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ÉTAT POLITIQUE ET MORAL
DE LA GRÈCE
AVANT LA DOMINATION MACÉDONIENNE

Il y a pour la Grèce deux dates fatales : l’une, où l’Asie entière descendit sur elle avec les millions d’hommes de Xerxès ; l’autre, quand Philippe, père d’Alexandre, devint roi de Macédoine. À la première, elle paraissait perdue, et elle triompha ; à la seconde, elle paraissait n’avoir rien à craindre, et elle perdit tout.


I.

Au milieu, en effet, du IVe siècle avant notre ère, la Grèce semblait avoir devant elle un long avenir. Quels dangers l’œil le plus perçant pouvait-il découvrir pour elle ? À l’orient, la Perse se débattait dans cette longue agonie des états orientaux, si peu vivans et pourtant si lents à mourir d’eux-mêmes. À l’occident, les Romains en étaient encore à rebâtir leur ville brûlée naguère par les Gaulois. Du nord, que redouter ? Le Thessalien Jason était mort et avec lui ses grands desseins. Quant à la Macédoine, si troublée et depuis tant de siècles impuissante, prophète bien moqué eût été celui qui eût prédit sa fortune prochaine : « Lorsque mon père devint votre roi, dira un jour Alexandre aux Macédoniens, vous étiez pauvres, errans, couverts de peaux de bêtes et gardant les moutons sur les