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et un parlement. Le nouveau ministère roumain est né d’une réaction de tous les sentimens libéraux et conservateurs contre le dernier cabinet; il est né aussi d’une sorte de protestation des instincts nationaux contre une politique soupçonnée de trop livrer la Roumanie à l’influence austro-germanique. C’est en s’inspirant de ce qui a été son origine morale, en faisant autrement que M. Bratiano, que le ministère de M. Rosetti, de M. Carp, peut se créer une force sérieuse, et accomplir l’œuvre la plus utile pour le développement libre et indépendant de la nation roumaine.

La fortune ministérielle est changeante un peu partout, dans l’Occident comme en Orient, et la Hollande elle-même vient d’avoir une pacifique révolution de cabinet, qui s’est accomplie à la veille de la réunion récente des états-généraux à La Haye. Les dernières élections, en donnant une majorité, si faible qu’elle fût, aux conservateurs de toutes nuances, avaient créé une situation parlementaire au moins difficile, et M. Heemskerke, qui dirigeait habilement les affaires depuis quelques années déjà, n’a pas cru pouvoir rester au gouvernement. Il a jugé sans doute que la politique de libéralisme modéré et de transaction qu’il représentait, qu’il n’a cessé de pratiquer avec l’ancienne chambre, n’était plus possible : il s’est décidé à donner sa démission, et un nouveau cabinet a été formé sous la direction de M. de Mackay, qui est depuis longtemps dans le parlement, qui a même présidé un instant, il y a quelques années, la seconde chambre, et qui représente le parti anti-révolutionnaire. Le nouveau président du conseil, dans le choix de ses collègues, s’est naturellement étudié à satisfaire une majorité composée d’élémens assez divers. Il a fait la part des protestans en appelant M. Godin de Beaufort aux finances et M. Keuchenius aux colonies; il a fait aussi la part des catholiques en confiant la justice à M. Ruys van Beerenbroek et la guerre à M. Bergansius. Il a donné enfin les affaires étrangères à un conservateur pur et même la marine à un libéral. C’est évidemment un ministère tout conservateur, même assez clérical, à en juger par les anciennes opinions de quelques-uns de ses membres. Il garde cependant un caractère assez modéré que les premières déclarations du président n’ont fait qu’accentuer, et la dextérité de M. de Mackay se chargera sans doute de faire vivre le nouveau cabinet; mais, en dehors d’une crise ministérielle facile à dénouer, il y a une question autrement grave, autrement délicate, qui pèse sur la Hollande, c’est l’état de santé du roi qui a inspiré récemment quelques inquiétudes. Or, si le roi venait à disparaître, ce ne serait pas seulement une longue régence pour la Hollande : aussitôt s’élèverait une question nouvelle qui intéresserait l’Europe. Le Luxembourg cesserait d’être lié à la couronne néerlandaise, il passerait à un prince allemand, au duc de