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Deageant plaida la puissance du favori, la faiblesse du jeune roi et conseilla la patience. Lesdiguières se décida à ruser encore, renvoya Bullion avec de bonnes paroles et partit pour la cour. Le roi, qui ignorait les pratiques de Luynes, songeait encore à faire Lesdiguières connétable ; mais celui-ci, voyant le favori tout-puissant et craignant les effets de sa haine, engagea lui-même le roi à donner l’épée de connétable au duc de Luynes. Des avis secrets lui faisaient craindre d’être mis à la Bastille. Les églises affectaient déjà de le considérer comme prisonnier à la cour, et l’assemblée de La Rochelle n’écoutait plus les conseils qu’il envoyait. Il rappelait tout ce qu’il avait fait à Loudun, conseillait à l’assemblée d’écouter M. de Rohan, M. de La Trémoille, de ne pas contrevenir la première aux édits. L’assemblée soutenait qu’elle avait le droit de se réunir : elle se souvenait bien de ce qu’avait fait Lesdiguières à Loudun, où il avait donné sa parole au nom même du roi que, si les cahiers ne recevaient pas de réponse dans six mois, elle pourrait se réunir de nouveau de plein droit. La parole royale suffisait. Lesdiguières répondait que jamais le roi ne consentirait à négocier ni à traiter avec l’assemblée; il prendrait plutôt les armes contre des sujets rebelles. Le roi partit, en effet, le 1er mai 1621 ; Lesdiguières suivit l’armée, otage et prisonnier plutôt que général ; à Amboise, il eut une conversation avec Louis XIII, à la suite de laquelle il écrit à messieurs de l’assemblée : « Le roy s’y achemine vers vous, mais sans surcroît seulement d’un simple soldat; il n’a que sa suitte ordinaire... Considérez que si Sa Majesté avait dessein de vous visiter les forces en la main, il auroit faict levée d’une forte et puissante armée pour franchir et passer partout où il luy plairoit ; car c’est une maxime véritable que rien n’est impossible au roy pour le gouvernement de son estat, puisqu’il est l’image de Dieu, et qu’il est estably du ciel et soustenu de la main souveraine pour régir, retenir et manier ceux de son obeyssance... Voyons comme depuis la mort du grand Henry, d’heureuse mémoire, nos privilèges nous ont esté entretenus; nous avons esté maintenus, et je diray plus, nos faveurs ont esté de beaucoup augmentées. Plus on a, dit-on, plus on veut avoir... C’est un crime irrémissible que n’obeyr pas à son prince... Je voy tout le monde animé contre vous et jusques aux enfans publier que vous estes les auteurs du mal qui se prépare. »

Quand on approcha de Saumur, on demanda à Lesdiguières de s’entremettre avec le gouverneur Duplessis-Mornay pour le disposer à se retirer dans sa maison de la Forest pendant le séjour de sa majesté; après le départ du roi, le gouverneur rentrerait dans la ville. Le nouveau connétable et Lesdiguières en donnent