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de ses biens comme de leur propre domaine. Ils auraient été les chefs de la hiérarchie cléricale, comme de la hiérarchie laïque. Ils auraient gouverné par les évêques autant que par les comtes, présidé les grandes assemblées de prélats et de soldats, promulgué les capitulaires où la politique et la religion, les affaires d’église et d’état sont confondues. Ils auraient soumis le prêtre et le moine à l’autorité de l’évêque, l’évêque à l’autorité du métropolitain, fait rentrer dans le rang tous les irréguliers, les « acéphales, » c’est-à-dire les « sans-chefs, » et les vagi, c’est-à-dire les vagabonds, même les ascètes, qui durent s’enfermer au monastère on accepter la surveillance de l’évêque, car, dans une église bien ordonnée, nul ne peut devenir saint à sa fantaisie. Ils auraient mis chacun à sa place et marqué les cadres définitifs de la vie ecclésiastique.

Charlemagne aurait fait l’éducation des clercs; il leur aurait défendu de porter les armes, d’assister « aux festins et aux buveries qui se prolongeaient jusqu’à la nuit, » de prendre des servantes « qui pussent prêter à l’accusation d’adultère, » de dépouiller les « simples d’esprit en leur promettant la béatitude dans le royaume céleste, ou en les menaçant de l’éternel supplice infernal. » Il leur aurait commandé de s’instruire, d’apprendre la grammaire pour bien saisir le sens de la parole divine, de « plaire à Dieu par la correction de leur langage comme par la rectitude de leur vie, » — « d’être chastes en leur conduite et savans en la langue. » Il se serait fait éditeur de livres liturgiques et de sermons. Il aurait écrit dans les capitulaires un manuel du parfait ecclésiastique. Il aurait défendu le Christ contre les doctrines qui le voulaient réduire à la condition de fils adoptif, siégé avec ses évêques et présidé les conciles, comme il fit à Francfort dans la salle de « son palais sacré, » le jour où il se leva de son siège royal, s’avança jusqu’aux degrés du trône, prononça un long discours sur la cause de la foi, et demanda aux pères : « Que vous en semble? « Il aurait prescrit au clergé de faire apprendre et comprendre aux fidèles le Credo et le Pater noster, « afin que chacun sache ce qu’il demande à Dieu. » Il aurait fondé les écoles populaires, l’enseignement religieux gratuit et obligatoire, puni les récalcitrans du pain sec et du fouet. Par la voie des capitulaires, il aurait recommandé d’éviter avec soin les péchés capitaux, en les nommant par leurs noms, et en exprimant le regret de ne pouvoir veiller d’assez près sur chacun de ses sujets pour le conduire vers le salut éternel.

Ce roi carolingien est un personnage nouveau sur la scène de l’histoire. Il est le fils respectueux du saint-père, mais il procède directement de Dieu. Il reconnaît l’autorité du pape en matière de foi et de discipline, mais il a son autorité propre. Ses devoirs envers