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méthode, de la méthode qui défie toute comparaison ; en un mot, de la méthode naturelle. Celle-ci n’a été inventée par personne ; elle a été découverte, car elle est de la nature même. À raison de son origine supérieure, elle doit être prise comme un modèle pour l’ordre à suivre dans toutes les choses spéciales. Et cette méthode reste inconnue en dehors d’un petit groupe d’hommes d’étude ! On ne songe jusqu’ici, dans l’enseignement, à en montrer ni la haute valeur ni la portée exceptionnelle. En effet, si bien définies sont les divisions zoologiques, que chaque ensemble, parfois formé de légions d’espèces, apparaît comme un monde particulier offrant des relations plus ou moins intimes avec les représentans d’autres types. L’image d’un tel monde est faite pour mener à la juste conception de l’immense famille humaine, variable suivant les races et suivant les individus. Deux opérations de l’esprit, propres à bien servir l’entendement, ne sauraient trouver ailleurs que dans la nature un solide fondement, l’analyse et la synthèse. Dans la reconnaissance des caractères que présente un être, le premier soin est d’en considérer les parties, en un mot d’en faire l’analyse. L’enfant appelé à l’observation d’une fleur apprend à la voir dans ses détails : le calice, les pétales formant la corolle, le pistil, les étamines. Où rencontrerait-on plus avantageux modèle pour exercer à l’analyse, si précieuse quand il s’agit de débrouiller des matériaux un peu confus ? La synthèse aussi, une grande généralisation bien assurée, parce qu’elle repose sur une connaissance approfondie de tous les élémens particuliers, est d’un secours sans pareil pour soulager des forces intellectuelles, toujours trop limitées. Si l’on en comprend la puissance, on néglige néanmoins, dans l’instruction, d’en montrer les exemples les plus grandioses. Autrefois, à la vue d’un homme, d’un oiseau, d’un poisson, on ne saisissait que des différences ; par la science, il est prouvé que la charpente osseuse de ces créatures si dissemblables dérive d’un seul type primordial soumis à des modifications infinies. À une époque, les mâchoires de la sauterelle, le suçoir de la cigale, la trompe du papillon, l’appareil buccal de l’écrevisse, semblaient des organes si particuliers qu’on n’avait pas même l’idée de les comparer. Il est devenu de la dernière évidence que, chez tous les insectes et les crustacés, les appendices qui entrent dans la constitution de la bouche sont de même essence. Insérés dans les mêmes rapports et en nombre égal, ils affectent les formes les plus diverses et subissent les appropriations aux usages les plus variés. Au premier abord, en songeant aux centaines de millions d’espèces d’insectes répandus sur notre globe, en présence d’une diversité sans fin, on se croirait perdu. La science, sinon faite, du moins fort avancée, tout est