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Cet après-midi, le temps n’est pas propice aux longues promenades ; il a plu, les chemins sont mauvais, le ciel est menaçant, on n’ira pas loin; mais les champs de céréales, le blé, le seigle, l’avoine, sont à notre porte. Plus d’une fois, on a redit l’ignorance de l’habitant de la ville au sujet des végétaux qui fournissent en Europe la base de l’alimentation. Le jour où l’instruction secondaire se donnera dans les campagnes, il n’y aura bientôt plus personne qui ne connaisse l’histoire, les caractères, le développement de la précieuse graminée dont les graines se convertissent en farine pour la fabrication du pain. L’automne venu, les travaux des champs sont en pleine activité ; le spectacle de cette vie laborieuse, tant de fois célébrée, où hommes et femmes de tous les âges ont un rôle, est un exemple à présenter à des adolescens qui approchent des jours où ils prendront une place dans les rangs de la société. Que de notions utiles saura mettre dans l’esprit de ses élèves le professeur un peu familiarisé avec les choses de l’agriculture! Instruits à pareille école, les hommes influens se montreront habiles à conserver une juste opinion touchant les plus graves intérêts économiques du pays. Ayant à prendre parti entre des intérêts contraires, ils décideront d’après leurs vues personnelles. Dans les débats qui s’élèvent d’un côté pour la défense du progrès et du bien-être des masses, et, d’autre part, pour la protection de l’agriculture et de l’industrie, on verrait des législateurs assez avisés des situations pour se reconnaître au milieu de l’explosion des appels les plus contradictoires. A notre époque s’effectue avec lenteur la transition dans les procédés agricoles ; les vieux erremens d’une pratique toute naïve et les méthodes nées de la science moderne sont en présence. Le progrès, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, s’impose aux sociétés humaines. Il faut donc le favoriser; l’intérêt du pays tout entier le commande. Éclairer les populations rurales et mettre aux mains des cultivateurs pauvres les meilleurs engins est une lourde tâche sans doute, elle est de celles qui peuvent s’accomplir. Au milieu de ces champs où s’exerce la première des industries, que d’enseignemens pourraient recevoir les élèves de nos lycées ! Les semailles commencent sur un terrain : un homme, beau comme le semeur antique, sème le grain à la volée; sur un domaine voisin, le grain est semé en lignes, à l’aide d’un instrument qu’une ingénieuse invention a mis au service des agriculteurs. Les collégiens demeureraient frappés en apprenant que si, par toute la France, on employait le semis régulier, on éviterait une perte de 8 millions d’hectolitres de blé, représentant une valeur d’environ 180 millions de francs. Au mois de juin, à la vue des moissons, chacun demande quelle sera l’importance de la récolte ; les blés, les avoines seront