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de la patrie. L’indifférence pour les choses les plus sérieuses qui règne dans noire pays d’une manière si générale, la soumission aux règles établies qui dispense de préoccupations plus ou moins lourdes, l’antipathie que suscite l’idée de certains changemens capables d’affecter des intérêts mesquins ou des goûts particuliers, les colères que soulèvent les transformations les mieux justifiées et les plus fécondes étouffent promptement toute velléité d’écouter la voix de la raison. C’était en 1871, la France venait de traverser des jours qui compteront parmi les plus malheureux de son histoire. La nation paraissait découvrir qu’à l’étranger le savoir était plus répandu que dans notre société; on ne craignait même pas d’attribuer nos défaites sur les champs de bataille à la solidité de l’instruction classique de nos ennemis, c’était excessif; néanmoins, l’heure ne se montrait-elle pas propice pour captiver les amis du progrès ? Sous l’inspiration d’un sentiment d’amertume et mû par l’espoir d’un noble réveil, nous faisions un appel pour qu’on accoutumât la jeunesse à puiser dans l’observation les règles de toute conduite : observation et expérience ! Paroles emportées par le vent; idées naguère inconnues quand il fallait arrêter les programmes de l’enseignement; plus encore, termes presque incompris. Le fait est rappelé sans la moindre intention de reproche. Les conditions où se distribue l’enseignement de la jeunesse dans des édifices perdus au milieu des habitations des grandes villes rendent bien difficile, peut-être impossible, tout changement notable dans la tenue des classes. Aussi est-ce à changer ces conditions que tend notre pensée.

Il s’agirait de transporter hors des villes collèges et lycées, de les installer à la campagne, dans des sites choisis. Autant il est indispensable que les écoles supérieures se trouvent au plus grand foyer de lumière, là où l’activité intellectuelle se déploie sous toutes les formes, autant il serait essentiel que les établissemens d’instruction secondaire fussent placés dans les lieux les plus paisibles. Par les hasards de la vie, ne pouvant avoir d’autre préoccupation que celle du bien général, faisant, pour quelques jours, trêve à d’autres pensées, nous venons plaider une cause immense par les conséquences. Si, après notre défense, la cause n’est pas gagnée devant l’opinion publique, elle n’en restera pas moins bonne; seul, le talent aura manqué pour la faire réussir.


I.

A contempler la société, on éprouve un chagrin : l’indifférence règne en grande maîtresse. Dans le monde qu’on dit le plus éclairé, voit-on les pères de famille s’inquiéter des matières de l’enseignement, rechercher si telle catégorie d’études doit rendre plus de services