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LA
LÉGENDE DE KRISHNA
ET LES
ORIGINES DU BRAHMANISME


De la conquête de l’Inde par les Aryas sortit une des plus brillantes civilisations qu’ait connues la terre. Le Gange et ses affluens virent naître de grands empires et d’immenses capitales, comme Ayodhya, Hastinapoura et Indrapechta. Les récits épiques du Mahabhârata et les cosmogonies populaires des Pouranas, qui renferment les plus vieilles traditions historiques de l’Inde, parlent avec éblouissement de l’opulence royale, de la grandeur héroïque et de l’esprit chevaleresque de ces âges reculés. Rien de plus fier, mais aussi de plus noble, qu’un de ces rois aryens de l’Inde, debout sur son char de guerre, et qui commande à des armées d’éléphans, de chevaux et de fantassins. Un prêtre védique consacre ainsi son roi devant la foule assemblée : « Je t’ai amené au milieu de nous. Tout le peuple te désire. Le ciel est ferme ; la terre est ferme ; ces montagnes sont fermes ; que le roi des familles soit ferme aussi. » Dans un code de lois postérieur, le Manava-Dharma-Sastra, on lit : « Ces maîtres du monde qui, ardens à s’entre-défaire, déploient leur vigueur dans la bataille, sans jamais tourner le visage, montent, après leur mort, directement au ciel. » De fait, ils se disent descendans des dieux, se croient leurs rivaux, prêts à le devenir eux-mêmes. L’obéissance filiale, le courage militaire avec un sentiment de protection généreuse vis-à-vis de tous, voilà l’idéal de l’homme.