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qu’il appelle par un autre euphémisme une manière d’établir la paix religieuse. Il a répondu par des banalités, par des déclamations, sur la nécessité de « développer son énergie démocratique, » de se porter en avant, de prendre l’offensive, de détourner la démocratie de la dictature. — Si M. le président du conseil n’a pas d’autre manière de combattre la dictature, c’est plus tranquillisant pour le dictateur que pour la France. M. Floquet, sans le vouloir assurément, risque de servir M. le général Boulanger, et par la revision que le député du Nord a prise pour mot d’ordre, et par la séparation de l’église et de l’état, qui peut lui préparer de nouveaux partisans.

C’est en vain qu’on se débat. Il n’y a plus même la liberté du choix, il n’y a plus d’illusion possible. Le radicalisme que représente M. Floquet ne serait qu’un acheminement aux aventures dictatoriales par l’aggravation du trouble dans les esprits, des divisions, des confusions et de la lassitude dans le pays. La seule politique juste, intelligente et même pratique, c’est celle que M. Léon Renault retraçait récemment, avec une vive et souple éloquence, devant le sénat. Il n’y a que quelques jours, dans un banquet d’une vaste association formée pour le centenaire de 1789, M. Rouvier n’a pas craint de parler en homme qui sent le danger des expériences chimériques, des agitations et des réformes indéfinies. Hier encore, à Bordeaux, dans une série de petites allocutions, M. le président de la république s’est prononcé pour une « politique de sang-froid, de sagesse, de prudence ; » il a fait appel à la paix, à l’union. Rien de mieux ; mais comment et avec qui se flatte-t-on de pouvoir pratiquer la politique de sang-froid et de sagesse ? Avec qui l’union ? Si on poursuit encore ce qu’on appelle la concentration républicaine, c’est parler pour ne rien dire ; on ne fait rien, on continue le système qui s’est résumé jusqu’ici dans une capitulation progressive devant le radicalisme. L’unique combinaison vraie et efficace, elle se dégage de la situation même, elle est le résultat d’une sorte de nécessité des choses ; on ne peut combattre l’agitation dictatoriale qu’avec un gouvernement sérieux ; on ne peut faire un gouvernement que par l’union de toutes les forces modérées, libérales et conservatrices ; on ne peut réaliser cette union qu’en faisant résolument, sans arrière-pensée, cette république libérale, ouverte, tolérante, dont on a souvent parlé. Tout s’enchaîne.

Soit, dit-on ; mais ce sont les conservateurs qui se dérobent à la république, qui se refusent à toute alliance, on vient de le voir par la dernière déclaration de M. le comte de Paris, qui met dans son programme la dissolution, la revision, la consultation du pays, tous les mots d’ordre de M. Boulanger. M. le comte de Paris est un prince bien intentionné qui suit les affaires de la France avec une sollicitude digne de son esprit. Peut-être se fait-il, lui aussi, quelque illusion en croyant que la revision et le plébiscite peuvent conduire à une restauration monarchique. La revi-