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de Rome en des accessoires, sommes toutefois demeurés ses très humbles et obéissans enfans. « Il traitait les dissentimens des deux églises de « dévotes discordes. » On peut trouver orgueilleuse la prétention d’accaparer pour la France la quasi-tutelle de Rome; en revanche, la prétention qu’il avait de servir le roi, surtout par de certaines résistances, est sûrement légitime. Le royalisme des parlementaires était pénétré des mêmes sentimens de fierté que leur religion. Ils se considéraient comme le contrepoids naturel de l’absolue royauté; un grand nombre, et Pasquier en fut, faisaient grand fi des états-généraux eux-mêmes. Pasquier sut s’opposer pour son compte à des enregistremens d’édits sous Henri III et sous Henri IV; et comme, en une de ces circonstances, certaine princesse lui faisait observer qu’il allait indisposer le roi : « Laissez donc, ce sont là, dit-il joliment, querelles d’amoureux ! Quand un amant a été éconduit par sa dame, il lui fait grise mine d’abord, puis revient plus empressé vers elle. De même, le roi me regardera bientôt de meilleur œil qu’avant mon refus d’enregistrer. » Et l’événement prouva qu’il disait vrai. Mais n’est-ce pas habiller à la gauloise le courage civique romain ?

L’intérêt bien entendu du roi, chef et âme de la patrie française, telle est la base des opinions politiques de Pasquier. Aussi voyait-il les guerres civiles d’un œil inquiet, tenant la victoire des partisans du roi pour aussi redoutable au roi que celle même de ses pires ennemis. « Il est mauvais, pensait-il, que des grands s’élèvent sur le corps des autres grands; la puissance royale ne saurait se bien trouver de ces accroissemens de fortune. » Il ne mettait pas en doute la sincérité de certains des chefs du parti catholique, mais il redoutait leur victoire absolue. Au lendemain de la bataille de Dreux, comme il entendait catholiques et protestans s’attribuer la victoire : « J’estime, déclarait-il avec une malice spirituelle bien qu’un peu lourde, que le vainqueur est M. de Guise : non-seulement M. le prince son ennemi est prisonnier, mais M. le connétable son ami l’est aussi, et, bien mieux, M. le maréchal de Saint-André est mort. A présent, il n’a plus de camarades. »

Cependant il était bon catholique, il eût voulu le triomphe de la foi et la ruine de l’hérésie. Tout cela le faisait s’affliger de ne savoir que désirer franchement : « Lorsque de tels malheurs nous adviennent, a-t-il écrit, c’est là où les plus sages mondains perdent le pied ; aussi ne les voyons-nous jamais que quand il plaît à Dieu de nous toucher (châtier) vivement pour nos péchés. » Malheurs de pensée qui, du reste, ne gâtaient point sa vie. On ne s’attriste de ce qui arrive que selon sa nature et ses habitudes d’esprit : justement parce qu’il avait coutume de faire le tour des choses et de les considérer sous toutes leurs faces, il avait coutume aussi de ne les