Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

5 millions du sien, et à New-York on peut citer plusieurs journaux dont l’immeuble seul représente une somme supérieure. D’autres paient un loyer qui varie de 250,000 à 500,000 francs par an. La résidence particulière de l’éditeur d’une feuille importante était évaluée, en 1870, à 2 millions 1/2. On en cite un autre dont les attelages ont coûté 750,000 francs, et qui offrait 500,000 francs pour un cheval capable de battre le fameux Dexter. Et pourtant la plupart de ces journaux ont débuté comme le New-York Herald; plusieurs avec un capital d’emprunt de quelques centaines de piastres.

Nulle part ailleurs la presse n’a aussi rapidement progressé qu’aux États-Unis. La première feuille américaine parut en 1704. Jusqu’en 1723, elle fut l’unique, et tirait à 16,000 exemplaires annuellement. En 1870, on compte 5,871 publications, avec 1 mil- liard 508 millions d’exemplaires; en 1886, 14,156, dont le tirage annuel dépasse 31 milliards[1].

Si, en regard de ces chiffres, nous relevons ceux que nous donnent les autres pays, nous trouvons, en 1870, pour la France, 1,668 publications; pour l’Angleterre, 1,456 ; pour la Prusse, 809; pour l’Autriche, 653; et enfin pour le monde entier, moins les États-Unis, un total de 7,612 journaux et revues, et pour les États-Unis seuls un total de 5,871, plus que doublé en 1886, et porté à 14,156. On peut, sans exagération, calculer qu’à l’heure actuelle la presse américaine égale à elle seule, en importance et en tirage, celle du reste du monde.

Ces chiffres expliquent, dans une certaine mesure, les fortunes rapides faites aux États-Unis, le développement et la prospérité de la presse étant une des manifestations multiples de l’activité publique ; mais le journalisme est rarement la voie adoptée par les impatiens de fortune. Les éditeurs millionnaires sont et seront toujours l’exception, et, pas plus aux États-Unis qu’ailleurs, ils ne figurent dans les premiers rangs, sauf M. Gordon Bennett. Si l’on tient pour exacte la liste publiée en Angleterre, en 1884, des douze particuliers les plus riches du monde, sous le titre de Millionnaires, and how they became so[2], on verra qu’elle comprend quatre grands spéculateurs américains ; un seul banquier, Rothschild, l’auteur de la liste n’ayant évidemment entendu que donner le chiffre de la fortune personnelle du plus riche des membres de cette famille ; un journaliste américain, J.-G. Bennett; deux grands négocians américains et quatre membres de l’aristocratie anglaise. Sur ces douze

  1. History of Journalism, by Frédéric Hudson Harper. New-York.
  2. Brochure in-8o. Tit Bits offices, London.