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par les pirates, près des Bahamas, avec un riche chargement. Pareilles histoires à pareille époque n’étaient pas rares. Le vieux flibustier Mansfield et ses prédécesseurs ne s’étaient pas fait faute de traquer les galions espagnols qui, pourchassés, se jetaient parfois à la côte, coulant à pic, et déjouant ainsi la cupidité de leurs ennemis. L’équipage s’en tirait de son mieux, gagnant la plage comme il pouvait. Des matelots de Mansfield avaient, tant bien que mal, noté la côte sur laquelle celui-ci échouait, et c’était d’eux que les marins de Boston tenaient leurs renseignemens.

William Phipps les fit causer, en tira ce qu’ils savaient et rentra chez lui, songeur. Son parti était pris ; il entendait se mettre à la recherche de l’épave, mais il lui fallait persuader sa femme. Il y réussit, non sans peine, vendit son chantier, acheta un navire, l’équipa et enrôla un équipage d’aventuriers, leur promettant part au butin.

Soit hasard, soit habileté, il trouva ce qu’il cherchait. Le navire avait coulé dans une anse, par une mer peu profonde. William Phipps retira la plus grande partie du chargement et bon nombre de sacs de doublons, assez pour satisfaire un appétit modéré, mais, à coup sûr, pas suffisamment pour une ambition comme la sienne.

Il revint à Boston, rapportant, outre sa part de butin, la curieuse histoire d’un autre navire qui se serait perdu, quelque cinquante ans auparavant, près de Port-de-la-Plata, chargé de lingots d’or et d’argent. Les renseignemens qu’il avait pu recueillir différaient quant à la localité précise, mais concordaient quant au fait et à la valeur du chargement, il n’en fallait pas davantage pour enflammer l’imagination d’un homme auquel la fortune venait de se montrer propice et qui rentrait chez lui avec un trésor dont la rumeur publique grossissait l’importance. Mais l’aventure, cette fois, était plus sérieuse ; ses ressources n’y suffiraient pas. Il lui fallait des moyens d’action plus puissans pour se livrer à des recherches qui pourraient être longues. Fort de son précédent succès, mettant à profit le bruit qui se faisait autour de son nom, il se rendit à Londres pour demander aide et assistance au gouvernement anglais. Les aventuriers trouvaient bon accueil à la cour de Charles II, qui, toujours à court d’argent, prêtait une oreille complaisante à quiconque lui proposait un prompt moyen de s’en procurer.

Séduit par la hardiesse et la confiance de William Phipps, il mit à sa disposition un navire de guerre de 20 canons et de 100 hommes d’équipage, et ce dernier fit voile pour les mers du Sud, longeant les côtes, recueillant des renseignemens partout où il pouvait. Cette indécision, ces tâtonnemens découragèrent ses matelots, astreints par lui au rude labeur de draguer, jour après jour, au long d’une