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LES
GRANDES FORTUNES
AUX ÉTATS-UNIS


I.

Quand, le 6 décembre dernier, M. Grover Cleveland, président des États-Unis, adressait au congrès réuni à Washington un message par lequel il l’invitait à prendre, sans plus tarder, des mesures énergiques pour alléger le trésor national, surchargé d’une énorme encaisse métallique, plus d’un de ses auditeurs se reportait en pensée à quelques années en arrière. On se rappelait l’époque, encore peu lointaine, où le trésor pliait sous le fardeau d’une dette de 14 milliards, où le ministre des finances s’efforçait, sous la présidence d’Abraham Lincoln, de conjurer le déficit et de pourvoir, par l’émission de 3 milliards 1/2 de papier-monnaie déprécié, à la solde et à l’équipement d’un million de volontaires armés pour la défense de l’Union. On se rappelait aussi, sept ans plus tard, cette lutte formidable de l’or et du papier, ce terrible coup de bourse dont Wall-Street a gardé le souvenir, dont nous raconterons plus loin les péripéties, et qui devait faire d’un spéculateur audacieux l’homme