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pareille secte. Le plus souvent, les skoptsy sont arrêtés et poursuivis en troupe, toute une nef ou korabl à la fois. En 1879, le tribunal d’Ekaterinebourg condamnait ainsi à la déportation quarante-deux blanches colombes, des deux sexes. En 1876, cent trente eunuques ou affiliés à la secte étaient traduits, d’un même coup, devant le tribunal de Symphéropol en Crimée. C’étaient des marchands, des petits bourgeois, des ouvriers. Les quarante-deux condamnés d’Ekaterinebourg étaient des paysans à la vie ascétique. Ils ne buvaient pas d’alcool, ne fumaient pas, ne mangeaient pas de viande. « La viande, disent les skoptsy, est maudite, comme le fruit de l’accouplement des sexes. » Tous, du reste, observaient les rites de l’église. Aucun ne voulut avoir d’avocat. Pour toute défense, ils se contentaient d’alléguer le verset de l’évangile qui leur semble justifier leur doctrine[1].

Les skoptsy semblent former une sorte de corporation dont tous les membres se tiennent, s’entr’aident mutuellement. Cette franc-maçonnerie d’eunuques a, prétend-on, à son service des émissaires secrets au moyen desquels les colombes correspondent d’un bout de l’empire à l’autre. Ces cruels partisans de l’émasculation sont, dans la vie ordinaire, les plus honnêtes et les plus doux des hommes. Ils se distinguent par leur frugalité, leur probité, la simplicité de leurs mœurs[2]. Tout leur crime est dans leur doctrine et leur prosélytisme. On affirme que jusque sur les adhérens de ces maximes contre nature souffle un esprit nouveau. Certains des disciples de Selivanof tendraient à prendre le précepte du Maître, comme le conseil évangélique, au sens spirituel. L’émasculation serait remplacée par la chasteté. Pour rester vierges, les colombes renonceraient à être eunuques, La police de l’empereur Nicolas avait déjà signalé des skoptsy spirituels ; leur chef, un ancien soldat du nom de Nikonof, avait personnellement connu Selivanof et se donnait pour son successeur. Bien que lui-même mutilé, ce réformateur niait la nécessité de la mutilation. Il serait curieux de voir la plus barbare des sectes russes se transformer en inoffensive communauté de moines laïques.


ANATOLE LEROY-BEAULIEU.

  1. Saint Mathieu, XIX, 12.-Il vient aussi parfois devant les tribunaux des cas de mutilation isolée. En 1875, par exemple, le tribunal d’Odessa jugeait trois affaires de mutilation par piété (is revnoski). Tout récemment, en 1887, un déporté du nom de Stchegol, se trouvant à l’étape de Kouskoupsk, dans le gouvernement d’Iéniséisk, profitait de la nuit pour se châtrer avec quatre enfans.
  2. On a prétendu qu’ils communiaient parfois avec le sang provenant de l’opération d’un néophyte; mais cette accusation ne parait pas fondée.