sublimes et les plus redoutables qui intéressent noire être, le troisième est au contraire l’image d’un temps présomptueux, trop confiant en lui-même, cherchant à résoudre les problèmes de l’existence et de la nature par ses propres investigations, par le seul secours des sciences humaines, et restant en même temps torturé par la terrible certitude de l’impuissance de ses efforts. L’artiste, pour adoucir l’impression qu’il a produite, a étendu un arc-en-ciel sur la vaste mer, comme un symbole de paix[1].
La paix promise est bien loin de nous, l’arc-en-ciel n’éclaire plus l’horizon chargé d’orage ; plongée plus avant dans les noirs, les insolubles problèmes, la Mélancolie est la Muse de notre siècle ; de combien de poètes elle a été l’inspiratrice, et des plus grands[2], interprètes eux-mêmes de tant d’âmes obscures et silencieuses ! Comparez la cité moderne à la cité gothique, quelle terne monotonie ! Une poussière d’individus isolés l’habitent, animés de la haine des classes ; sous l’ordre apparent, tout est discordance, anarchie. Nul principe supérieur universellement reconnu, nulle autorité morale, comme était la papauté du moyen âge, pour émousser cet antagonisme, adoucir l’âpreté de la lutte. La discorde aussi est en chacun de nous ; héritiers de deux mondes opposés, mais qui ont eu chacun leur unité parfaite, le paganisme et le christianisme, nous ne pouvons parvenir à les concilier, à unir le goût de la vie païenne à la sensibilité chrétienne, la sérénité et l’équilibre des caractères antiques à nos aspirations troublées. De là cette tristesse d’hommes refoulés sur eux-mêmes et sans point d’appui, obligés de se faire leur conception du monde, de chercher à tâtons leur voie ; un art étiolé, voué à la faiblesse de l’inspiration individuelle, de mornes plaisirs. Pas un souffle qui soulève tous ces atomes, hormis un patriotisme intermittent et vague ; entre les hommes, point d’autre lien que la contrainte de l’état sans cœur.
Mais cet individualisme, qui naîtra de la réforme, malgré sa misère, semble aujourd’hui à beaucoup d’entre nous un inappréciable bienfait. Car cette paix des esprits dissimulait la servitude : « Règle générale, dit Montesquieu, toutes les fois qu’on verra le monde tranquille dans un état,.. on peut être assuré que la liberté n’y existe pas. » Cette unité du moyen âge, si vantée, était payée au prix de la liberté de la science et de la conscience, biens si nobles et si précieux que