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parmi des milliers d’ennemis. Comme les combattans étaient noyés dans des flots de poussière, on ne savait ce qui se passait derrière ce nuage ; mais enfin le général Bedeau, averti, envoya au pas de course les zouaves et deux autres bataillons, qui dégagèrent les chasseurs et décidèrent la retraite des Marocains. L’artillerie acheva de disperser ce qui essayait de résister encore.

A midi, la bataille était gagnée ; les troupes avaient exécuté résolument ce que le général avait supérieurement conçu. Toutes ses prévisions s’étaient réalisées, grand triomphe pour un homme de guerre, sans avoir été payées par de trop douloureux sacrifices. L’armée n’avait à regretter que quatre officiers, tous quatre aux spahis, et vingt-trois soldats ; sept officiers et quatre-vingt-douze soldats étaient blessés. Les Marocains laissaient 800 morts sur le champ de bataille. La tente et le parasol de Mouley-Mohammed, dix-huit drapeaux, onze pièces de canon, furent les principaux trophées de la victoire ; quant au reste, le butin fut immense.

Pour les Arabes, le vaincu est celui qui a tort ; les tribus au milieu desquelles se fourvoyaient les fuyards les poursuivaient à coups de fusil ou les dépouillaient impitoyablement. De cet immense rassemblement, il ne resta bientôt plus que les fidèles du maghzen autour du prince réfugié à Taza. La chaleur de plus en plus intense ne permettait pas au maréchal de l’y aller chercher.

Le 16 août, il lui écrivit, en vainqueur généreux, sans rien ajouter aux conditions qui lui avaient été posées avant la bataille. Le 23, dix cavaliers des Abid-Bokhari apportèrent la réponse du prince ; elle débutait mal, car elle portait contre le maréchal une accusation de perfidie : « Sache que, si tu as pris mon camp, c’est que tu as usé de ruse et que tu n’as pas tenu tes promesses ; sans cela, tu aurais vu ce qui te serait arrivé ; » mais, après cet accès de méchante humeur, elle devenait toute pacifique.

Le maréchal profita de ce temps d’arrêt pour ramener à Lalla-Maghnia d’abord, puis à Djemma-Ghazaouat, les troupes épuisées de chaleur et les malades, dont le nombre excédait de beaucoup les ressources de l’ambulance. A Lalla-Maghnia, le 28 août, il reçut la nouvelle d’un autre succès du prince de Joinville.

Le 11 août, l’escadre française était arrivée devant Mogador, mais l’état de la mer était tel que, pendant quatre jours, tout ce qu’elle avait pu faire avait été de tenir au mouillage. Enfin, le 15, le temps étant devenu meilleur, le bombardement avait commencé. Les batteries de mer ayant été détruites par le feu des vaisseaux Jemmapes, Triton, Suffren, et de la frégate Belle-Poule, les bricks Cassard, Volage et Argus débarquèrent dans l’île 500 marins qui, malgré la vive résistance de la garnison, s’emparèrent