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n’attendait, pour marcher à eux, que le retour du général Bedeau, détaché avec deux bataillons vers Sebdou en reconnaissance. « Je compte qu’il me rejoindra après demain matin, écrivait le gouverneur au maréchal Soult, le 11 août ; le même jour, au soir, je ferai un mouvement en avant. Le 14, au matin, je serai de très bonne heure sur l’Isly, à une petite distance du camp ennemi. Si mes troupes ne sont pas trop fatiguées, et surtout si la chaleur n’est pas excessive, je continuerai mon mouvement, et j’attaquerai le camp marocain pour ne lui pas donner le temps d’évacuer les provisions et les impedimenta qu’il doit avoir réunis. Vainqueur, je le poursuivrai jusqu’à Aïoun-Sidi-Mellouk ; il ne m’est guère possible d’aller plus loin, à cause de l’éloignement des eaux. Après, je me jetterai sur le pays, à droite et à gauche, pour le ravager et faire vivre ma cavalerie. »

Le général Bedeau rejoignit le 12, plus tôt que n’avait espéré le maréchal ; dans la matinée du même jour était arrivé un régiment de marche venu de France et composé de quatre escadrons, deux du 1er chasseurs à cheval, deux du 2e hussards. La petite armée comprenait dès lors 8,500 baïonnettes, 1,400 chevaux réguliers, 400 irréguliers et 16 bouches à feu, dont 4 de campagne. « Elle compte sur la victoire, tout comme son général, écrivait allègrement le gouverneur ; si nous l’obtenons, ce sera un nouvel exemple que le succès n’est pas toujours du côté des gros bataillons, et l’on ne sera plus autorisé à dire que la guerre n’est qu’un jeu du hasard. »

La masse énorme de la cavalerie marocaine ne lui imposait pas ; plus elle était nombreuse, plus il était assuré d’avoir raison d’elle. Il avait à cet égard une théorie depuis longtemps faite : « vous vous attendez, écrivait-il dès 1841 à La Moricière, vous vous attendez à être attaqué par une nombreuse cavalerie et quelque peu d’infanterie. Vous n’êtes pas préoccupé et vous avez bien raison ; passé un certain chiffre, comme quatre ou cinq mille, le nombre des cavaliers ne fait rien à l’affaire. Il suffit de marcher à eux en bon ordre et résolument, puis de les accueillir, s’ils viennent à vous, par un feu de deux rangs bien dirigé ; mais il faut préalablement avoir bien convaincu les soldats que le nombre ne fait rien. Vous y parviendrez facilement en leur représentant que, même en Europe, la cavalerie régulière est impuissante contre la bonne infanterie, que la cavalerie arabe, n’ayant ni organisation, ni discipline, ni tactique, ne peut pas faire des charges successives, qu’elle n’a aucune force d’ensemble, et que, pourvu qu’on marche à elle, on la met dans une telle confusion et un tel découragement qu’elle ne peut plus revenir au combat. C’est une cavalerie absolument sans consistance pour