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d’infanterie, trois régimens de cavalerie d’Afrique, une vingtaine de bouches à feu bien approvisionnées et des moyens suffisans pour transporter des vivres pour un mois. » Cette velléité d’aventure fat combattue par La Moricière : « Ce projet, disait-il, me paraîtrait gigantesque ; il y a plus de 90 lieues et de très longues marches sans eau. Il faudrait réunir des forces qui sont hors de proportion avec l’effectif de l’armée et dont l’appel dans l’ouest détruirait toute l’économie de notre occupation. La base d’opération contre Fez n’est pas à Lalla-Maghnia, mais à Tétouan, à Rabat et à Tanger. »

Néanmoins, à la date du 16 juillet, le maréchal écrivait encore au prince de Joinville : « Je n’ai qu’un regret, c’est que la saison et surtout l’exiguïté de mes moyens d’action ne me permettent pas d’aller en ce moment dicter la paix à Fez. J’irais, je n’en doute pas, avec les troupes que j’ai, c’est-à-dire 6,000 à 7,000 hommes d’infanterie et 900 à 1,000 chevaux réguliers ; mais il me manque des transports pour les vivres, des outres, un petit équipage de pont, de l’artillerie de campagne de réserve, et les troupes nécessaires pour l’établissement de trois postes intermédiaires où je déposerais des vivres pour assurer mon retour. »

Sur ces entrefaites, averti à Cadix qu’une escadre anglaise avait paru devant Tanger, le prince de Joinville appareilla sur-le-champ ; les Anglais n’ayant fait que passer, le prince reprit son poste d’observation. La correspondance était active entre lui et le maréchal, qui le pressait d’ouvrir le feu contre la côte. Les agressions marocaines étaient de véritables actes d’hostilité, de sorte que, si la guerre n’était pas déclarée officiellement, l’état de guerre existait de fait ; mais, comme les instructions du prince lui prescrivaient expressément de se tenir sur la réserve, à moins d’un outrage aux représentons diplomatiques de la France ou d’une insulte à son pavillon : « Le drapeau de l’armée, répliquait le maréchal, est aussi respectable que le pavillon ou, pour mieux dire, c’est tout un ; or, notre drapeau n’a-t-il pas été attaqué le 30 mai et outragé le 15 juin ? »

Une rumeur sourde arrivait du fond du Maroc, annonçant la marche de Mouley-Mohammed, fils du sultan-chérif, à la tête d’une innombrable armée. Sur ces nouvelles, le maréchal rappela de Sebdou La Moricière ; le 19 juillet, le corps expéditionnaire était concentré sous Lalla-Maghnia.

El-Ghennaouï, disgracié, n’était plus kaïd d’Oudjda ; Sidi-Hamida, son successeur, écrivit d’abord pour rejeter sur lui seul la responsabilité des actes agressifs. À cette ouverture le maréchal répondit, le 18 juillet, par une sorte de mémorandum ou de résumé des demandes faites par la France : internement d’Abd-el-Kader et de sa