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compromis l’honneur de son drapeau. Après avoir poussé la modération jusqu’à la faiblesse, quand nous rendons attaque pour attaque, on nous dit que nous allons chercher une autre guerre. Et ce sont les mêmes hommes qui veulent qu’on prenne Madagascar ! .. »

Pour ce qui est du gouvernement, surpris et troublé d’abord par la nouvelle des combats du 30 mai et du 15 juin, surtout de la marche sur Oudjda, il avait été bientôt rassuré au sujet de cette opération simplement comminatoire. « Votre modération, écrivait le ministre de la guerre au maréchal Bugeaud, vous fait un grand honneur ; le roi et son gouvernement vous en louent, et ils considèrent qu’en agissant ainsi, vous avez fourni un moyen puissant pour aplanir les différends qui existent entre la France et le Maroc. »

Dès le 12 juin, aussitôt après avoir appris le combat du 30 mai, le ministre des affaires étrangères, M. Guizot, avait envoyé ses instructions à M. de Nion, consul-général à Tanger : « vous devez, au reçu de la présente dépêche, écrire immédiatement à l’empereur pour lui adresser les plus vives représentations au sujet d’une attaque qui ne pourrait être justifiée, pour demander les satisfactions qui nous sont dues. Est-ce la paix ou la guerre qu’il veut ? Si, comme le lui conseillent ses véritables intérêts, il tient à vivre en bons rapports avec nous, il doit cesser des armemens qui sont une menace pour l’Algérie, respecter la neutralité en retirant tout appui à Abd-el-Kader, et donner promptement les ordres les plus sévères pour prévenir le retour de ce qui s’est passé. Si c’est la guerre qu’il veut, nous sommes loin de la désirer, nous en aurions même un sincère regret ; mais nous ne la craignons pas, et, si l’on nous obligeait à combattre, on nous trouverait prêts à le faire avec vigueur, avec la confiance que donne le bon droit, et de manière à faire repentir les agresseurs.

« Voici comment je résume vos instructions. Vous demanderez à l’empereur du Maroc : 1° le désaveu de l’inconcevable agression faite par les Marocains sur notre territoire ; 2° la dislocation du corps de troupes marocaines réunies à Oudjda et sur la frontière ; 3° le rappel du kaïd d’Oudjda et des autres agens qui ont poussé à l’agression ; 4° le renvoi d’Abd-el-Kader du territoire marocain. Vous terminerez en répétant : 1° que nous n’avons absolument aucune intention de prendre un pouce de territoire marocain, et que nous ne désirons que de vivre en paix et en bons rapports avec l’empereur ; 2° mais que nous ne souffrirons pas que le Maroc devienne pour Abd-el-Kader un repaire inviolable, d’où partent contre nous des agressions pareilles à celle qui vient d’avoir lieu, et que, si l’empereur ne fait pas ce qu’il faut pour les empêcher, nous en ferons nous-mêmes une justice éclatante. »