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askers qui la gardaient et la plus grande partie des Hachem étaient obligés de gagner leur vie en travaillant à la terre pour les Kabyles de Beni-Zekri.

Ces nouvelles décidèrent le maréchal Bugeaud à renvoyer La Moricière à Sebdou pour centraliser l’action des forces réparties entre Saïda, Sidi-bel-Abbès et Mascara, et à rétrograder lui-même sur Lalla-Maghnia, où il rentra le 22 juin.

Le difficile était d’y faire subsister les troupes qu’il ramenait ; il n’y avait de pratique que le ravitaillement par mer. Le maréchal inclinait d’abord pour l’établissement d’un dépôt de vivres à l’embouchure de la Tafna, sur l’emplacement du camp occupé de 1836 à 1837 ; mais La Moricière lui avait signalé un point de la côte beaucoup plus favorable à tous égards : c’était la petite crique de Djemma-Ghazaouat, qui n’était qu’à 9 lieues de Lalla-Maghnia. Il s’y rendit le 25 juin. Le village de Djemma-Ghazaouat, — en arabe la mosquée des pirates, — s’élevait au sommet d’un rocher à pic, à l’est d’une baie de 600 mètres d’ouverture, entre deux pointes avancées d’une centaine de mètres dans la mer. Le mouillage était médiocre, mais suffisant pendant la belle saison. Deux bâtimens à vapeur, venus d’Oran avec des bricks et des tartanes à la remorque, se trouvaient en rade. Les vivres qu’ils apportaient ayant été mis à terre, la plus grande partie, chargée sur les mulets du train ou des Arabes auxiliaires, prit le chemin de Lalla-Maghnia ; le surplus resta confié à la garde du kaïd des Souhalia, qui devait s’entendre avec le kaïd de Nedroma pour les transports ultérieurs. Le problème du ravitaillement heureusement résolu, le maréchal rejoignit, le 29 juin, ses troupes au bivouac.


IV

A Paris, dans la presse et dans les chambres, l’opposition contestait l’opportunité d’un conflit avec le Maroc, et ses récriminations allaient presque jusqu’à reprocher au maréchal de l’avoir volontairement provoqué. « Chose étrange et affligeante ! écrivait-il, le 25 juin, à M. de Corcelle ; c’est quand, sous un soleil de 53 degrés (depuis dix jours nous avons ce chiffre), l’armée court du pays kabyle de l’est d’Alger aux frontières du Maroc pour repousser une injuste agression, qu’on vient lui dire : « vous faites la guerre sans nécessité, sans utilité, uniquement pour satisfaire votre ambition personnelle. » Si la démocratie de la presse et des chambres savait tout ce que nous avons enduré avant de repousser l’agression par les armes, ce serait pour le coup qu’elle ferait des interpellations pour accuser le gouvernement d’avoir abaissé la France et