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vous avez fait, et que même il blâmera cette conduite. Je veux donc me contenter d’aller à Oudjda, non pour le détruire, mais pour faire comprendre à nos tribus qui s’y sont réfugiées, parce que vous les avez excitées à la rébellion, que je peux les atteindre partout et que mon intention est de les ramener à l’obéissance par tous les moyens qui se présenteront. Je te déclare en même temps que je n’ai aucune intention de garder Oudjda ni de prendre la moindre parcelle du territoire de l’empereur de Maroc ni de lui déclarer ouvertement la guerre ; je veux seulement rendre à ses lieutenans une partie des mauvais procédés dont ils se sont rendus coupables envers moi. » Dans une lettre vague et embarrassée, El-Ghennaouï désavoua le guet-apens du 16 juin, protesta de ses bonnes intentions et déclara finalement qu’il « n’avait pas la permission de faire la guerre. »

En trois petites marches, le maréchal atteignit Oudjda, le 19 juin, à six heures du matin. Oudjda était une ville de 4,000 à 5,000 âmes, assez mal construite, avec un méchouar fortifié. Il n’y avait que quatre puits dans l’enceinte ; mais, au dehors, les jardins bien cultivés et les vergers luxurians de beaux fruits, grenades, figues, abricots, etc., étaient arrosés par des canaux dérivés d’une source abondante. Le quart à peu près des habitans était demeuré dans les maisons ; le maréchal leur fit déclarer que la ville ne serait occupée que par des postes de garde, et que, dans la campagne, il ne serait pris que le fourrage et l’orge pour la nourriture des chevaux.

Apres le combat du 15, un sérieux dissentiment avait éclaté entre El-Ghennaouï et El-Kebibi ; ils se reprochaient mutuellement les incidens fâcheux qui avaient troublé la conférence et les suites désastreuses qu’ils avaient entraînées. En fin de compte, les deux chefs s’étaient retirés avec 3,600 cavaliers réguliers, 1,500 hommes des contingens et quatre pièces de canon. Les poudres qu’ils avaient laissées dans le méchouar furent noyées et les balles fondues.

Avant de s’éloigner de Lalla-Maghnia, le maréchal avait envoyé aux commandans des postes situés en arrière les instructions les plus précises pour surveiller les mouvemens d’Abd-el-Kader ; c’était d’une bonne précaution, car un Djafra, pris dans la nuit du 10 au 11 juin, avait appris au colonel Eynard, à Saïda, que l’émir, qui avait quitté, dès le 4, la deïra, se dirigeait par les Hauts-Plateaux vers l’est, avec l’intention de tomber sur les Harar. Il était suivi de plus de 2,000 cavaliers, quelques-uns khiélas, d’autres réguliers du Maroc, le surplus Hachem, Angad, Hamiane-Gharaba, recrutés pendant la marche. Surpris par la présence d’une colonne française à Saïda, l’émir se hâta de rebrousser chemin.

D’après les dires du prisonnier djafra, la misère était grande dans la deïra, campée à 10 lieues au sud-ouest d’Oudjda. Les