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ouverte sur la frontière que la guerre des conspirations et des insurrections derrière mai. S’il faut faire la guerre, nous la ferons avec vigueur, car j’ai de bons soldats, et, à la première affaire, les Marocains me verront sur leur territoire.

« Je vous avoue que, si j’eusse été à la place de M. le général de La Moricière, je n’aurais pas été si modéré, et j’aurais poursuivi l’ennemi, l’épie dans les reins, jusque dans Oudjda. Peut-être le général a-t-il mieux fait de s’en abstenir ; c’est ce que la suite prouvera. »

Pressé par le désir d’en finir avec l’équivoque, le maréchal fit proposer, le 14 juin, au kaïd El-Ghennaouï, une entrevue pour laquelle Bedeau, qui croyait encore au rétablissement des relations pacifiques, s’était spontanément offert. Le kaïd répondit qu’il se trouverait, le lendemain, prêt à conférer avec l’envoyé du khalifa du sultan de France, au marabout de Sidi-Mohammed-el-Oussini, à 3 kilomètres du camp français, sur la rive droite de la Mouila. Le 15, La Moricière s’établit à 700 mètres en arrière du lien de la conférence, avec quatre bataillons, quatre escadrons et deux obusiers de montagne ; ces troupes étaient formées en bataille. En face d’elles, à 1,200 mètres environ, se tenaient, également en bataille, sons les ordres d’El-Kebibi, 4,500 cavaliers marocains, réguliers et Angad, avec une bande de 500 Kabyles.

A l’heure convenue, le général Bedeau se rendit au marabout, suivi du capitaine Espivent de La Villeboisnet, son aide-de-camp, de l’interprète principal de l’armée, M. Léon Roches, de l’interprète de la division d’Oran, de Si-Hammadi-Sakkal, ancien kaïd de Tlemcen, et de deux ou trois spahis. Comme il disparaissait derrière un pli de terrain, La Moricière, inquiet, envoya le commandant de Martimprey en avant, de manière à voir ce qui se passerait sur le terrain de la conférence. Arrivé sur une hauteur d’où les deux camps étaient en vue, le commandant mit pied à terre et s’assit à l’ombre d’un frêne.

Le général et le kaïd s’étaient rencontrés. Après les complimens d’usage, les pourparlers commencèrent. Le nom d’Abd-el-Kader ayant été prononcé. : « Abd-el-Kader est un menteur, dit El-Ghennaouï avec vivacité ; c’est un homme qui n’a jamais cherché que le désordre ; ne nous occupons pas de lui ; convenons bien de ce que nous voulons faire entre nous : il faudra bien ensuite qu’il soit écarté. » D’après les instructions du maréchal, Je général Bedeau avait rédigé les termes d’une convention qu’il présenta au kaïd. ; celui-ci la lut attentivement, d’un air calme ; mais, au moment d’entamer la discussion des articles, il fut obligé d’interrompre la conférence, parce que les cavaliers marocains s’étaient rapprochés en poussant des clameurs hostiles.