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regardait la France en face et prétendait, en traitant d’égal avec elle, renouveler l’alliance sur les bases peut-être du traité de la Tafna ! Avec un si fier ennemi, la négociation était humiliante. Il n’y avait plus qu’à se tenir partout sur ses gardes et prêt à combattre.

Avant de partir d’Alger pour l’expédition de Kabylie, le maréchal Bugeaud envoya ses ordres : à La Moricière de s’établir, vers le milieu d’avril, sur la rive gauche de la Tafna et de hâter la construction du poste de Lalla-Maghnia ; au général Bedeau et au général Tempoure de sortir, celui-ci de Sidi-bel-Abbès, celui-là de Tlemcen, et de se mettre en observation sur la lisière du Tell, entre Sebdou et Daya ; au général de Bourjolly de surveiller les Flitta et les Beni-Ouragh ; au lieutenant-colonel Eynard de manœuvrer autour de Tia-ret ; au colonel Cavaignac d’avoir toujours quelque renfort à envoyer d’Orléansville, soit à Bourjolly, soit à La Moricière.


II

De Saïda, dont les terrassemens étaient à peu près achevés, La Moricière se rendit à Tlemcen. Le lendemain même de son passage à Mascara, le 30 mars, Abd-el-Kader mit toutes les tribus voisines en émoi par un coup de main d’une audace inouïe : en dépit des colonnes françaises, il vint surprendre et piller huit douars entre Mascara et Sidi-bel-Abbès.

Arrivé à Tlemcen, le 10 avril, La Moricière se porta en avant, sur la rive gauche de la Tafna, de manière à couvrir un convoi que conduisait à Lalla-Maghnia le général Bedeau. Arrivé à destination, celui-ci crut devoir en donner avis au kaïd d’Oudjda. « Tu me dis, lui écrivit-il, que tu as reçu de ton empereur l’ordre de maintenir les bonnes relations avec nous et d’empêcher que les Arabes de chez vous ne puissent mettre le trouble entre nous. J’ai reçu les mêmes ordres de mes chefs. Je sais que la parole de mon sultan est d’accord avec celle de l’empereur Abd-er-Rahmane pour assurer la paix et pour garantir le respect des limites. C’est pour cela que nous avons reçu l’ordre de placer un poste dans la plaine des Angad. Ce poste sera construit sur notre territoire. Les troupes qui l’occuperont surveilleront les Angad qui dépendent de notre autorité, comme les mghazni d’Oudjda peuvent surveiller les Angad qui dépendent du Maroc. Nos deux autorités régulières mettront fin aux désordres qui ont souvent existé dans ces tribus, et, s’il plaît à Dieu, l’ordre et la paix étant bien assurés, les relations de commerce pourront être reprises, comme par le passé, pour la prospérité des deux pays. »

Le 17 avril, le kaïd répondit que les Arabes avaient voulu monter à cheval pour aller attaquer les Français, mais qu’après les avoir