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répondu au consul-général qu’Abd-el-Kader avait sans doute avec lui un certain nombre de volontaires du Maroc attirés dans son camp par des promesses de pillage, mais que le kaïd d’Oudjda, la ville marocaine la plus rapprochée de la frontière, avait reçu de l’empereur l’ordre formel d’empêcher toute intervention de ses sujets en faveur de l’émir et d’arrêter même les chefs qui lui auraient prêté secours.

A la suite de cette communication, le général Bedeau eut, au mois de juin, une entrevue avec le kaïd. Celui-ci lui déclara officiellement qu’il avait des instructions précises pour maintenir la neutralité, que son maître voulait la paix et qu’il avait fait punir quelques-uns de ceux qui s’étaient rendus sans autorisation au camp de l’émir. Un des chefs des Beni-Snassen, Bechir-ben-Meçaoud, présent à l’entrevue, s’excusa personnellement en affirmant qu’Abd-el-Kader lui avait assuré que les Français voulaient s’emparer d’Oudjda.

Pendant neuf ou dix mois, la tranquillité parut être rétablie dans ces parages ; mais, le 30 mars 1843, le général Bedeau, qui parcourait avec une petite colonne le territoire des Beni-bou-Saïd, à 2 lieues de la frontière, se vit assailli tout à coup par une bande marocaine dans laquelle il reconnut des cavaliers réguliers du kaïd d’Oudjda. Le général, à qui ses instructions prescrivaient la plus grande prudence, arrêta le feu que ses troupes avaient déjà commencé ; mais, quand la marche fut reprise, le maghzen d’Oudjda poussa l’audace jusqu’à serrer de près l’arrière-garde en tirant des coups de fusil qui blessèrent grièvement deux hommes. Justement irrité de la récidive, Bedeau fit volte-face, riposta vigoureusement à l’attaque et mit les agresseurs en déroute.

Dans une nouvelle entrevue provoquée par le général, le kaïd désavoua le maghzen et promit de frapper d’une punition exemplaire le chef qui avait compromis sa troupe. Il promit également de demander à l’empereur l’internement des partisans et des serviteurs d’Abd-el-Kader, notamment de Bou-Hamedi, qui intriguait sur la frontière ; quant au tracé de la frontière même, le kaïd essaya d’alléguer quelques prétentions que le général Bedeau repoussa énergiquement.

Les affaires demeurèrent dans cet état d’équilibre instable jusqu’aux premiers jours de l’année 1844. Préoccupé du voisinage de l’émir, qui se tenait alors avec sa deïra dans la région des Chott, le général Bedeau sollicita du maréchal Bugeaud l’autorisation de se couvrir, au sud, par l’occupation des ruines de Sebdou, à l’ouest, par l’établissement d’un poste permanent dans la plaine des Angad. A ces deux demandes, le général de La Moricière en ajouta une troisième, l’occupation de Saïda, au sud de Mascara. Après avoir