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la réforme constitutionnelle ? Au premier abord, la conséquence assez logique des dernières élections hollandaises et de la situation parlementaire qu’elles ont créée dans la seconde chambre serait la retraite du ministère de M. Heemskerk, qui, depuis quatre ans, ne s’est maintenu au pouvoir que par une série de transactions, en s’appuyant le plus souvent sur les libéraux. Le ministère n’aurait qu’à s’effacer devant un cabinet représentant au pouvoir la majorité récemment sortie du scrutin. C’est ce qui semblerait assez simple ; mais cette majorité nouvelle de la seconde chambre, déjà numériquement assez faible, est en outre plus apparente que réelle, plus factice que sérieuse. Composée comme elle l’est de catholiques et de protestans orthodoxes alliés par un sentiment commun d’antipathie contre les libéraux, elle est plutôt une force de coalition et d’opposition, ce qu’on pourrait appeler une majorité négative. Elle risquerait fort de se diviser à son tour, de se dissoudre le jour où elle serait appelée au pouvoir, et les conservateurs n’ont vraisemblablement pas acquis plus d’autorité en favorisant l’entrée au parlement de M. Domela-Nieuwenhuis, de cet ancien pasteur protestant devenu anarchiste, qui a levé le drapeau de la guerre contre la société, contre la religion, contre le roi. D’un autre côté, si les libéraux sont en minorité dans la seconde chambre, ils gardent toujours une majorité considérable dans la première chambre. Il en résulte une situation assez compliquée, que les élections dernières n’ont ni simplifiée ni éclaircie, et où le seul ministère possible est peut-être encore celui qui existe, le ministère qui a réussi à vivre jusqu’ici sous la présidence de M. Heemskerk. Toujours est-il que la réforme constitutionnelle n’a point eu pour le moment les effets qu’on attendait, qu’elle n’a pas sensiblement modifié les conditions de la vie publique en Hollande ; elle n’a suscité ou laissé entrevoir aucun mouvement décisif d’opinion. Aujourd’hui pas plus qu’hier, avec la composition du parlement et la division des partis, rien n’est facile, ni la formation d’un cabinet, ni l’expédition des affaires. Un ministère nouveau est à peu près impossible, ou aurait peu de chance de durée ; le ministère qui existe, s’il reste au pouvoir, sera nécessairement obligé de louvoyer comme il l’a fait jusqu’ici : il a du moins le mérite de maintenir une certaine paix entre les partis, de préserver le pays des oscillations violentes.


CH. DE MAZADE.