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Les bienfaits de cet entraînement spécial n’ont pas tardé à se manifester. Les progrès dans l’étude de la langue ont marché de pair avec l’assimilation à nos mœurs et à nos usages. Si bien que, dans l’espace de quelques mois, on a réussi à façonner des sujets dont l’intelligence et la tenue ne laissent rien à désirer et qui font bonne figure parmi les plus distingués de nos concitoyens.

J’ai eu la satisfaction de le constater dans une visite que j’ai eu récemment l’occasion de faire rue Ampère. Ce résultat fait le plus grand honneur à M. Goldscheider, dont l’activité, l’administration éclairée et les hautes connaissances méritent les plus grands éloges et la gratitude des intelligences à l’instruction desquelles il s’est voué, — on peut le dire sans aucune exagération, — corps et âme.

Mais il ne suffit pas d’avoir démontré la possibilité de créer une grande œuvre, il faut faire mieux : il faut la réaliser. Puisque la tentative a réussi, — au-delà de toutes les espérances, — avec nos protégés du Cambodge, pourquoi ne pas étendre au reste de l’Indo-Chine française, et peut-être aussi à d’autres pays soumis à notre protectorat, le bénéfice d’un enseignement dont l’efficacité n’est plus à démontrer ?

Heureux et fier d’un succès qui a dépassé les prévisions les plus, optimistes, le sous-secrétariat d’état des colonies est disposé à entrer résolument dans une voie qui lui permettra, dans un espace de temps relativement court, — tout en réalisant des économies sur le budget, — et sans porter aucune atteinte à notre sécurité, de créer un personnel de fonctionnaires indigènes destinés, au début, à coopérer avec nos administrateurs détachés de la métropole, pour arriver par la suite à se substituer graduellement à eux dans tous les services où cette substitution aura été reconnue possible.

A l’extension de l’établissement de la rue Ampère se trouve ainsi intimement lié tout un plan de réorganisation, — mieux encore, de rénovation politique et administrative dont les avantages sautent aux yeux !

Économie de temps. Il ne faut pas moins de dix ans, en effet, pour faire un bon fonctionnaire colonial ; or deux années, trois au plus du régime inauguré rue Ampère, suffiront pour former des collaborateurs indigènes capables de rendre les plus grands services.

Économie d’argent, attendu que le jeune indigène, de retour dans son pays, son stage terminé, recevra un traitement inférieur de moitié, voire même des deux tiers, à la solde de son collègue détaché de la métropole. Au bout d’un petit nombre d’années de services, il se trouvera ainsi avoir reconstitué, au profit de la colonie, le capital absorbé par les frais de son éducation à Paris.