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jeunesse indigène, titrée et riche, recevrait une éducation européenne. C’est ce que font les Anglais dans leurs vastes possessions des Indes orientales. Le second, déjà en vigueur à Paris sous la désignation d’École cambodgienne, serait de créer en France un vaste établissement d’instruction où les fils des meilleures familles de la Cochinchine, de l’Annam, du Tonkin, de Tunisie, du Congo, de l’Inde, de Madagascar, viendraient apprendre notre langue pour aller ensuite la propager chez eux, et y faire connaître nos produits et nos découvertes. Qui pourrait aussi empêcher que cet établissement ne devînt une sorte de pépinière où le gouvernement prendrait ses interprètes et certains fonctionnaires coloniaux ? De même que nous avons en Grèce et en Italie des écoles françaises où nos jeunes artistes vont s’inspirer des chefs-d’œuvre du passé, de même il y aurait dans notre capitale un vaste collège où la jeunesse coloniale viendrait s’instruire et s’éclairer. Esquissons le premier système, qui paraît peu nous convenir. L’empire le plus riche en colonies, la Grande-Bretagne, n’ignore pas que c’est par l’éducation et par la grande vulgarisation de son langage qu’elle s’assimile les peuples les plus rebelles à sa domination. Aux Indes, plusieurs lacks de roupies, 10 ou 12 millions de francs, ont été votés pour aider à cette conquête intellectuelle. L’Angleterre a été admirablement secondée, en cela, par sa flotte marchande, ses missionnaires, et l’on peut affirmer, sans crainte d’un démenti, que c’est la langue parlée sur les bords de la Tamise qui, hors d’Europe, est la plus universellement comprise.

Dans les villes principales de ses immenses possessions, il se trouve des facultés conférant aux étudians des titres à peu près similaires à ceux décernés dans les universités d’Oxford et de Cambridge. Les cours y sont suivis par des écoliers des deux sexes, de race bien différente, et il n’est pas jusqu’aux filles des sectateurs de Zoroastre qui n’y viennent disputer à d’autres jeunes filles d’origine européenne les grades universitaires. Toutefois, dans le dernier Livre bleu de l’empire oriental des Anglais, on peut lire avec quelque surprise que l’éducation a touché à peine « les cimes des montagnes, » c’est-à-dire les chefs et les princes indiens. Peu nombreux, paraît-il, sont ceux qui, de leur propre initiative ou, par suite de cette circonstance qu’ils étaient placés sous la dépendance de fonctionnaires britanniques, ont voulu d’une culture intellectuelle, ou qui se sont efforcés de la rendre populaire parmi les personnes soumises à leur influence.

Le rédacteur du Blue Book nous apprend, — et nous savons si peu de choses de ces maharadjahs des Indes qu’on lit le rapport avec beaucoup d’intérêt, — pourquoi il ne faut pas s’étonner si