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LE
DEUIL D'ALLEMAGNE


I

Le seul sentiment que l’âme puisse avouer, devant cette incomparable tragédie, c’est un respect religieux : l’émotion qui s’empare de l’homme, quand il contemple un coucher de soleil dans l’orage sur le sommet des grands monts. Il admire la sinistre beauté du phénomène, alors même que l’orage, en traversant la plaine, aurait ruiné sa demeure et dévasté sa moisson. Il y a une suprême grandeur dans les spectacles auxquels nous assistans, par-delà ce fleuve qui divise nos espérances. Ne contraignons pas notre admiration pour cette grandeur ; en la méconnaissant, nous nous méconnaîtrions nous-mêmes. Il n’a fallu rien moins que notre sang pour la porter si haut. Qui la rabaisserait diminuerait le prix de ce sang.

Ne contraignons pas notre respect pour le deuil de toute une nation, pour le chef que cette nation pleure et dont la mort vient d’achever la majesté. Il fut le premier souverain de son temps ; il en fut surtout le premier soldat ; il fit son métier contre nous comme nous voulons faire le nôtre. Soldats, nous le sommes tous désormais, de par la volonté du défunt. Rappelons-nous qu’on salue sous les armes, quand passe un convoi ; même celui d’un adversaire, même celui du général qui nous a vaincus. Il convient