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physiques, par exemple la paralysie[1]. On parle même aujourd’hui de brûlures subjectives, de vésicatoire suggestif, et les phénomènes si étranges des stigmatisés pourraient bien avoir leur origine dans quelque chose de ce genre.

Viennent enfin les suggestions d’actes, les plus importantes de toutes, parce que ce sont elles qui font le plus ressembler des somnambules à des hommes éveillés, et qui même, passant du domaine du sommeil dans le domaine de la veille, provoquent la grave question de la responsabilité. On peut ramener ces sortes de suggestions à trois groupes : suggestions faites pendant le sommeil d’actes à accomplir pendant le sommeil ; suggestions faites pendant le sommeil d’actions à accomplir dans la veille ; enfin suggestions pendant la veille d’actes à accomplir dans la veille. C’est ici que la suggestion apparaît avec tous ses miracles ; car on cite des exemples de suggestion à plus de trois mois d’échéance. Par exemple, on dit à un vieux soldat : Dans trois mois, vous vous trouverez dans le salon de tel docteur. Vous y rencontrerez le président de la république, et il vous donnera la croix. Au jour dit, le sujet entre dans le salon du docteur ; à l’ébahissement des personnes présentes, il s’incline dans le vide au milieu du salon, fait le signe de quelqu’un qui reçoit quelque chose et il dit : « Merci, excellence[2]. » Sans doute, rien de plus facile que de supposer la simulation en cette circonstance, et nos hypnotiseurs ne font pas assez d’efforts pour inventer des contre-épreuves et des pièges contre la simulation possible. Mais ici le nombre des faits est si considérable et vérifié par tant d’exemples qu’une tromperie universelle serait aussi difficile à comprendre que le fait lui-même.

Nous ne pouvons donner ici qu’une esquisse de ces faits, que nous avons déjà exposés ailleurs. Disons seulement que la question de la suggestion en soulève beaucoup d’autres : celle du rapport de l’hypnotisme à l’hystérie, la question des phases hypnotiques (léthargie, catalepsie, somnambulisme) affirmées à Paris et niées à Nancy, la question des passages de l’état normal à l’état suggestif

  1. Le fait des paralysies suggestives était connu depuis longtemps des magnétiseurs bien avant que la médecine scientifique se fût assurée de la réalité du fait. Voici, par exemple, le récit d’une séance de magnétisme, du 20 août 1813, telle que nous la trouvons rapportée par un chroniqueur du temps, l’Hermite de la Chaussée d’Antin : « L’expérience des membres paralysés et déparalysés à la voix du magnétiseur a fini par pousser à bout la patience et l’honnêteté de l’auditoire ; on a d’abord murmuré, puis hué, puis sifflé le professeur indien. » (Tome IV, de l’Hermite.) Ces expériences, qui faisaient siffler le pauvre abbé Faria, sont aujourd’hui entrées dans la science officielle. Au dernier concours d’agrégation pour la Faculté de médecine, parmi les sujets de leçons proposés aux candidats se trouvait celui des paralysies sans lésion, ou paralysies psychiques, comme on les appelle.
  2. De la suggestion, par Bernheim.