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parties, selon qu’elle étudie l’homme sain et l’homme malade : l’une est la psychologie physiologique proprement dite ; l’autre la psychologie pathologique. Seulement cette nouvelle division est plus idéale que réelle, parce que, jusqu’ici, c’est surtout par le moyen de la pathologie que l’on a procédé plutôt que par l’observation directe de l’état sain ; mais la distinction n’en est pas moins vraie théoriquement ; et, par exemple, les belles recherches de Helmholtz sur la psychologie de la vision n’ont rien de pathologique.

Le titre de la chaire étant ainsi compris, deux sortes de compétiteurs pouvaient se présenter : soit des philosophes qui se seraient occupés de psychologie comparée, soit des philosophes s’étant surtout appliqués à la physiologie et à la pathologie mentales. Pour résumer le résultat, le Collège de France s’est prononcé pour la psychologie physiologique ; l’Institut s’est prononcé pour la psychologie comparée. Nous n’avons pas à entrer dans ce débat[1] ; mais, partant des faits accomplis, nous voudrions exposer les titres de la science qui a triomphé, en résumer l’histoire et en caractériser l’état actuel.


I

La psychologie physiologique est une science française. Elle a été créée par Descartes dans son Traité des passions. Dans ce traité, Descartes, comme on le fait de nos jours, explique le jeu des diverses passions par les mouvemens cérébraux. Il est vrai qu’il invoque un agent spécial qu’il appelle les esprits animaux, tandis qu’aujourd’hui on ne parle que des vibrations des cellules cérébrales ; mais cette différence est de peu d’importance et ne touche pas au principe même[2]. Pendant longtemps, on a parlé de la physiologie de Descartes comme d’un roman ; mais, sauf le détail, c’était si peu un roman, qu’un des grands physiologistes de nos jours, un Anglais, M. Huxley, considère Descartes comme le vrai créateur de la physiologie moderne, et notamment comme ayant ouvert la voie par son automatisme à la fameuse théorie des actions réflexes. En voici la

  1. Nous ne voulons pas entrer ici dans des appréciations personnelles, et nous nous bornons aux questions de principes. Disons seulement que le titulaire nommé est M. Ribot, connu par ses beaux travaux de psychologie physiologique, à savoir : l’Hérédité en psychologie, les Maladies de la mémoire, les Maladies de la personnalité, les Maladies de la volonté. Ajoutons-y les deux importans ouvrages suivans : la Psychologie anglaise et la Psychologie allemande.
  2. Encore est-il probable que les cellules elles-mêmes sont traversées, imprégnées d’un fluide impondérable dont les vibrations et les mouvemens seraient semblables à ceux des esprits animaux. La seule différence serait que les esprits de Descartes étaient des gaz (les vapeurs du sang), tandis que ceux de nos jours seraient des fluides, ce qui laisse subsister essentiellement le même mode d’explication.