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supérieur, ou d’ébrécher une fois de plus la dotation des évêques, ou de démanteler quelque institution administrative, ou de soulever des questions qu’on ne peut pas résoudre, on croit avoir bien travaillé ; au besoin, on a même deux séances par jour pour cette besogne. On ne fait, en réalité, que du désordre, en affaiblissant de plus en plus le gouvernement dans son action, en déconsidérant tout et en fatiguant l’opinion; on n’arrive à rien, pas même à voler le budget, qu’il faudra reprendre par le commencement, quand on voudra travailler d’une manière sérieuse aux affaires du pays.

Ce qu’il y a de plus triste, c’est que tous ces abus, ces confusions, ces désordres stériles, sont exploités effrontément par les déclamateurs vulgaires et les fauteurs de dictature contre les institutions parlementaires, qui seraient, à ce qu’il paraît, la cause de tout le mal. On convient qu’il y a une sorte d’impuissance agitée et brouillonne en toute chose, — c’est la faute du régime parlementaire! Mais le malheur, précisément, le vice de cette situation où l’on se débat aujourd’hui sans arriver à rien, c’est qu’on n’est plus depuis longtemps dans l’ordre parlementaire; c’est qu’on est sorti de ce régime de justes et prévoyantes garanties publiques, pour entrer on ne sait dans quel régime où tout est confondu, où il n’y a plus qu’une chambre qui se livre à ses caprices de désorganisation, et dans cette chambre une commission du budget usurpatrice, qui dispose de tout, tranche tout et brouille tout. Il n’y a que quelques jours à peine, cette étonnante commission, chargée de préparer la loi financière de la France, ne déclarait-elle pas solennellement qu’elle ne connaissait pas le budget des cultes? Elle avait décidé la question dans sa sagesse : elle ouvrait simplement au budget un chapitre de liquidation de la dotation des cultes, elle abrogeait de sa propre autorité le concordat! Elle allait, à ce qu’il paraît, trop vite pour le moment. Aujourd’hui encore, en dépit du temps qui passe et des nécessités de service public qui ne peuvent attendre, elle tient à toute sorte de réformes ou de prétendues réformes qui touchent à toute une partie de l’organisation financière et à la législation des successions. Vainement on lui a fait remarquer que le plus pressé serait peut-être d’expédier le budget tout d’abord, en ajournant à un temps plus opportun des discussions difficiles, laborieuses, sur des questions compliquées, délicates, qui intéressent l’ordre économique et l’ordre civil. La commission n’a pas voulu s’avouer vaincue; elle tient à ses projets, sur lesquels la chambre bataille encore. Et remarquez bien qu’à l’heure présente on est en plein exercice courant, que dépenses et recettes sont déjà engagées depuis près de trois mois, que, les projets de la commission fussent-ils adoptés, ils seraient nécessairement ajournés dans leur application ou ils seraient la source d’un immense désordre.

Non, en vérité, ce n’est là qu’une image dérisoire et infidèle des