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que vous ne me dites rien de Fervaques. Vous ne me promettez pas d’y venir, et longtemps. Notre ami dit qu’il y passera six semaines, mais je ne suis pas femme à prendre à ces choses-là. Je suis plus folle que jamais ; je l’aime plus que jamais, et je suis plus malheureuse que je ne peux dire.

« La Souris arrive dans quelques jours. Il semble réellement que vous vous donniez rendez-vous, mais arriverez-vous ? j’espère que je serai une des premières à apprendre cette bonne nouvelle. Le Génie (Chateaubriand) se réjouit de vous voir. Il prend part à vos douleurs, et, lorsqu’il parle de vous, on serait tenté de lui croire un bon cœur. »


Le trait de la fin restera.

Mme de Custine quitte Paris et retourne à Fervaques : il y a une accalmie dans ses souffrances morales. Il semble que Chateaubriand ait adouci son humeur. Delphine fait entendre un petit cri de joie à l’oreille de son confident habituel, qui ne sourit ni de sa peine ni de son bonheur d’un jour, et qui ne les raconte pas aux indifférens.

Chateaubriand devait la quitter pour un voyage en Suisse ; il y renonce, et elle bat des mains. Cette avant-dernière lettre est du 21 juillet 1805 :


« Je suis fière aujourd’hui, et si vous étiez ici, vous me trouveriez impertinente, comme vous dites quelquefois. À tout-cela, vous devriez deviner qu’il n’y a plus de voyage en Suisse ; et qu’au lieu de tout cela, Colo est ici depuis hier, qu’il vous désire, que nous serons tous charmés de vous voir ; que, comme à son ordinaire, il dit qu’il ne restera que quelques jours. Aussi, si vous voulez le trouver encore ici, aussitôt ma lettre reçue, mettez-vous en marche et arrivez le plus tôt que vous pourrez.

« La Souris doit venir ; mais elle n’arrive pas. Après le départ de Colo, j’irai sûrement à Cusson[1]. Il dit qu’il reviendra cet automne. Vous reviendrez aussi, n’est-ce pas ? Allons, venez ! Vous me dites que vous serez ici dès que je le voudrai ; ma volonté est bien entière. Aussi je compte sur votre arrivée ; Colo veut vous écrire à présent, et moi je veux pouvoir vous parler bientôt. »

Sur la même page. Chateaubriand écrit en post-scriptum :

« Vous savez peut-être, mon cher ami, que le voyage de Suisse est manqué, du moins pour moi ! Je suis à Fervaques, j’y suis pour quinze jours : vous seriez bien aimable d’y venir. Nous tâcherons de nous rappeler ces vers que vous me demandez. Venez

  1. Maison de campagne de la belle-sœur de Mme de Custine.