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dans un vote émis à la suite d’une première lecture, s’est proposé de compléter l’article 1780 du code civil ainsi qu’il suit : « Le louage de services fait sans détermination de durée peut toujours cesser par la volonté de l’une des parties contractantes. Néanmoins, la résiliation du contrat par la volonté d’un seul des contractans peut donner lieu à des dommages-intérêts. Pour la fixation de l’indemnité à allouer, le cas échéant, il sera tenu compte des usages, de la nature des services engagés et des conventions légalement formées entre les parties. » — « C’est la consécration d’une jurisprudence qui tendait à s’établir de plus en plus dans ce sens, a dit très exactement le ministre ; de sorte que l’on pourrait affirmer, sans crainte d’être démenti, que la nécessité de l’article ne se faisait pas sentir[1]. »

Enfin les jurisconsultes ont, dans cette campagne entreprise pour la refonte du code civil, de dangereux alliés, qui pourraient bien les traîner à leur remorque. Tandis qu’ils poursuivent un but scientifique, ceux-ci ne se proposent qu’un but politique, et sont les plus ardens, les plus influens, les plus forts. Il suffit, pour connaître exactement leur programme, de rappeler comment la question fut

  1. L’alinéa suivant du même article, adopté en première délibération par 133 voix contre 98, malgré l’opposition du gouvernement, contient, au contraire, une innovation : « Si le contrat de louage implique une participation à une caisse de retraites, y est-il dit, la rupture du contrat entraîne de plein droit et à quelque époque que ce soit la liquidation de la portion de rente acquise à l’employé, soit à raison des retenues opérées sur son salaire, soit à raison des versemens effectués en vertu de la convention. « Le ministre des travaux publics fit inutilement observer qu’une caisse de retraites ne vit pas seulement de versemens opérés, mais aussi de divers bénéfices aléatoires : décès, départs, renonciations, et que, si l’on supprimait toutes ces choses, on porterait un coup funeste à ces institutions de prévoyance. M. Lenoel ajouta vainement : « Si vous donnez une retraite à tous les employés qui ont appartenu à une compagnie au prorata du nombre d’années et de mois qu’ils y ont passé, je vous assure qu’après trente ans, le vieux serviteur qui sera resté à son poste dans l’espoir de se retirer avec une obole pour le temps de sa vieillesse verra sa part considérablement diminuée. Vous me paraissez, sans le vouloir, faire une situation plus favorable aux moins méritans au détriment des plus méritans... » Le sénat ne les écouta point. Toutefois, le nouveau texte, remanié par l’adoption d’un amendement de M. Paris, se borne, en définitive, à proposer un type général de convention, une clause de droit commun à laquelle une convention spéciale peut déroger. On a fait deux pas en avant et un pas en arrière. On introduit dans l’organisation des caisses de retraites un principe dangereux et qui, transporté dans le système des pensions civiles, peut entraîner des conséquences désastreuses, le gouvernement l’a bien senti; mais la disposition législative, en elle-même, n’a pas une bien grande portée. Au demeurant, voici le résultat du vote : d’après le contrat-type, si les parties ne se sont pas expliquées, l’employé, même au bout de quelques semaines, même au bout de quelques jours, même quand la convention aura été rompue par son fait ou par sa faute, même quand cette rupture l’exposerait à certaines condamnations, pourra faire liquider à son profit une pension proportionnelle.