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dans un autre : on y défend de rompre les accords conclus pour un travail déterminé tant que ce travail n’est pas achevé, on y impartit un délai pour la dénonciation des contrats, on y détermine pour quelles causes l’ouvrier peut être congédié sur-le-champ ou quitter sur-le-champ son patron, etc. La loi canadienne du 30 juin 1881 détermine avec un surcroît de précision les rapports des maîtres avec les « apprentis, serviteurs, compagnons ou journaliers. » Mais le type le plus achevé qu’on puisse offrir aux gouvernemens de l’Europe occidentale, le véritable code de la matière, est la loi hongroise du 21 mai 1884, qui ne compte pas moins de cent quatre-vingt-six articles. Celle-ci divise les industries et les métiers en trois catégories, selon que l’exercice en est libre ou seulement autorisé après l’apprentissage et deux ans de pratique, ou soumis à l’octroi d’une concession. Il est traité des apprentis et du contrat d’apprentissage avec un luxe de détails et de dispositions protectrices qui n’a jamais été dépassé, après quoi (art. 88 à 121) des ouvriers en général et des ouvriers de fabrique en particulier. Ainsi le contrat de travail n’est, en principe, exécutoire qu’après un temps d’essai; il ne peut être rompu qu’après une dénonciation faite tantôt quinze jours, tantôt six semaines ou trois mois d’avance ; néanmoins, l’ouvrier peut être congédié sur-le-champ sans dénonciation dans huit cas déterminés, et peut lui-même, dans cinq cas, quitter immédiatement son patron : il doit posséder un livret dont la forme, les rubriques et la confection sont fixées par des arrêtés ministériels; il peut, quand il a mis fin au contrat par un motif légitime, exiger du patron un certificat de congé : un ordre de travail doit être affiché dans les fabriques et indiquer la distribution et l’occupation des ouvriers, la durée du travail, les dispositions relatives à l’époque de la paie et au paiement des salaires, les droits des surveillans, etc. ; il doit être accordé aux ouvriers des fabriques, dans la matinée et dans l’après-midi, un repos d’une demi-heure, et à midi un repos d’une heure ; la journée de travail ne doit pas commencer avant cinq heures du matin ni se prolonger après neuf heures du soir ; le fabricant est tenu de payer les salaires en argent comptant, et, s’il n’a pas été fait d’autre convention, chaque semaine, etc. La Russie n’a pas échappé à cette contagion salutaire, et le conseil de l’empire vient d’y promulguer, après d’orageux débats, paraît-il, un nouveau code du travail manuel sanctionné par le tsar. Là, bien entendu, l’état reste, en cas de conflit, seul maître et seul juge entre les capitalistes et les salariés ; par exemple, la répression est fortement organisée contre les grévistes qui n’ont pas repris leur travail à la première sommation. Nul n’a le droit d’engager un ouvrier non muni d’un passeport, etc. Mais du moins le contrat d’engagement est