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ne put pas connaître exactement les pertes de l’ennemi ; celles du corps expéditionnaire furent de 32 tués et de 105 blessés. Le maréchal, qui avait fait venir des vivres de Bordj-Mnaïel, attendit au bivouac les conséquences de sa victoire.

Pendant deux jours, on ne vit rien venir ; mais on sut que les contingens étrangers avaient regagné leurs montagnes. Enfin, le 20 mai, je jeune Ben-Zamoun, accompagné des principaux des Flissa, se présenta devant le maréchal, le suppliant de faire cesser la dévastation des villages et la destruction des vergers, et promettant, au nom de tous, la soumission la plus complète. « Nous ne pouvions, disaient ceux qui lui faisaient cortège, nous dispenser de combattre. Mos femmes n’auraient plus voulu ni faire le couscouss ni avoir commerce avec nous. Vous êtes victorieux; nous nous soumettons : vous pouvez compter sur notre fidélité. Si Ben-Salem était resté au milieu de nous, vous auriez pu nous tuer jusqu’au dernier avant d’avoir raison de nous : il nous a lâchement abandonnés au moment du combat ; il ne peut plus reparaître dans nos tribus. »

Sur ces assurances, le maréchal descendit de la montagne, donna l’ordre d’évacuer Bordj-Mnaïel et reporta son bivouac à Tamdaït. Ce fut là que, le 23 mai, il reçut solennellement, au bruit du canon, l’hommage de Ben-Zamoun et le fit reconnaître, au nom de la France, agha des Flissa. L’ancien chef du parti de la paix, Medani-ben-Mahi-ed-Dine, eut l’aghalik de Taourga et Allal-ben-Ahmed celui des Amraoua. Les chefs subalternes reçurent des burnous d’honneur et des armes de prix.

Cette organisation achevée, le maréchal s’en alla prendre la mer, le 26 mai, à Dellys. Trois bataillons furent laissés au général Korte, avec l’ordre d’exécuter, depuis le col des Beni-Aïcha jusqu’au bord de l’Isser, une bonne route muletière qui n’aurait besoin que d’être élargie pour devenir carrossable. Le reste des troupes rentra dans la province d’Alger.

Le maréchal Bugeaud avait terminé un peu brusquement sa campagne et bien facilement pardonné aux Flissa, puisqu’il ne leur avait même pas imposé la moindre contribution de guerre. C’est qu’il venait de recevoir, le 20 mai, du général de La Moricière, des dépêches inquiétantes et qu’il avait hâte d’arriver dans la province d’Oran. « Ce que je demande à Dieu avant tout, écrivait-il au moment de s’embarquer à Dellys, au maréchal Soult, c’est que nos ennemis temporisent assez pour me donner le temps de rejoindre M. le général de La Moricière. »


CAMILLE ROUSSET.