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mesures, que les Kabyles de l’ouest, c’est-à-dire ceux de la province d’Oran, payant l’impôt, les Kabyles de l’est devaient le payer de même. Ces pourparlers eurent du moins pour effet de sauver pour le moment les villages des Flissa, que le général Gentil avait reçu l’ordre de brûler en venant de Bordj-Mnaïel rallier le gouverneur.

Tout le corps expéditionnaire se trouva réuni, le 16, à Tamdaït. En face du bivouac, on voyait grossir à vue d’œil les rassemblemens hostiles ; par les cheikhs des Isser qui marchaient avec le goum, on ne tarda pas à savoir que Ben-Salem et d’autres chefs venaient d’amener aux Amraoua et aux Flissa de nombreux contingens et qu’il en arrivait encore. Dans une énumération digne de l’Iliade, ils citaient les tribus que conduisait le marabout Si-el-Djoudi, celles qui suivaient Rabeha-ben-Idir, et tous les guerriers descendus des hautes montagnes de l’est. Les positions occupées par l’ennemi, naturellement très fortes, étaient couvertes par des redans en pierre sèche. Le village d’Ouarezzeddine se présentait en saillie au centre ; il partageait la ligne de bataille occupée, à droite, par les contingens étrangers, à gauche, par les dix-neuf fractions des Flissa et les Amraoua.

Le 17, à trois heures du matin, le maréchal fit commencer l’attaque. Une avant-garde, composée de deux compagnies de zouaves, d’un détachement de sapeurs et des carabiniers du 3e bataillon de chasseurs, sous les ordres du lieutenant-colonel de Chasseloup-Laubat, des zouaves, gravissait en silence la principale arête. Le jour commençait à poindre, quand elle atteignit un village situé à mi-côte. Le premier coup de fusil donna l’éveil aux Kabyles, et la longue crête de leurs retranchemens ne fut plus qu’une ligne de feu. Emportés par leur ardeur, les zouaves se trouvent un moment compromis ; dégagés par le 3e léger et le 48e, tous ensemble s’élancent vers Ouarezzeddine qu’ils emportent. Désormais les Kabyles sont coupés en deux ; leur droite s’enfuit dans une vallée, où la cavalerie du général Korte, arrêtée par des marais, arrive trop tard pour lui couper la retraite. Les Flissa de la gauche font meilleure contenance ; il faut un effort simultané des zouaves, du 3e léger, du 26 et du 48e pour les refouler ; mais ils ne sont pas en déroute. Au moment où le vainqueur, croyant l’affaire achevée, se prépare à prendre, un peu en arrière du champ de bataille, son bivouac, les voici qui, à la faveur d’un bois, se jettent sur une compagnie de grand’garde et la mettent en désordre ; heureusement la réserve accourt et la surprise n’a pas de suite fâcheuse.

Commencé à trois heures du matin, ce combat, on pourrait dire cette bataille, ne prit décidément fin qu’à cinq heures du soir. On