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Tlemcen et Tiaret; sous la direction de Constantine, les bureaux de Bône, Philippeville, La Calle, Sétif et Ghelma. Une sorte de code succinct, renfermant les principales mesures applicables aux tribus, suivant les lieux et les circonstances, en matière administrative et judiciaire, fut rédigé par le lieutenant-colonel Daumas, directeur central des affaires arabes, et envoyé à tous les bureaux pour leur servir de règle.


VI.

Par l’organe des bureaux arabes, le gouverneur-général pouvait donc faire connaître sa volonté, depuis la frontière du Maroc jusqu’à la frontière de Tunis, on devrait dire dans l’Algérie tout entière, s’il n’y avait pas eu ce large et profond massif, qui, sous le nom de Grande-Kabylie, interposait entre les provinces de Constantine et d’Alger son indépendance. Le maréchal avait beau dire, à Paris, dans le gouvernement, et surtout dans les chambres, on se refusait à convenir avec lui que, pour la sécurité de la conquête, il y avait péril à négliger cette enclave. « Ces gens-là ne nous disent rien, laissons-les tranquilles ; » c’était le thème qu’on opposait aux objurgations du gouverneur.

Telle n’avait pas été d’abord l’opinion du maréchal Soult, ministre de la guerre, et vraiment les rôles paraissaient renversés ; car, « dès 1842, écrivait à M. de Corcelle le maréchal Bugeaud, M. le ministre, à qui nos victoires avaient ouvert l’appétit, me pressait de prendre tout ce qui restait du pays kabyle dans la campagne d’automne. Voici un paragraphe de sa lettre du 9 juillet [1842] : « Je vois avec la plus grande satisfaction que les provinces d’Alger, de Titteri et d’Oran sont entièrement soumises ou à peu près. J’ai l’espoir qu’il en sera bientôt de même à l’est, et que, dans la campagne que vous devez faire cet automne, vous obtiendrez la soumission des tribus kabyles qui sont entre Sétif, Constantine, Djidjeli, Bougie, Philippeville et Bône. » Je répondis par une longue lettre pour exposer l’inopportunité et les difficultés de cette entreprise. Depuis 1842, le ministre m’a plusieurs fois entretenu de la soumission du grand pâté du Djurdjura; mais, quand il a vu l’opinion des chambres et de la presse se prononcer contre cette entreprise, il a imaginé une expédition bâtarde qui consisterait à s’emparer d’une bande sur le littoral, depuis notre frontière jusqu’à Bougie... »

Le maréchal Bugeaud avait trop l’esprit d’initiative et trop peu la crainte de la responsabilité pour ne prendre pas sur lui d’agir