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de chez eux, Si-Zerdoud se rejeta dans l’Edough ; les colonnes de Constantine, de Philippeville et de Bône l’y poursuivirent.

Dans la nuit du 2 au 3 mars, un Kabyle se glissa furtivement jusqu’à la tente du colonel Barthélémy, commandant de la colonne de Philippeville ; il lui dit qu’il était le secrétaire de Si-Zerdoud, que le cheikh se proposait de fuir le lendemain vers Collo, et qu’en attendant il se tenait caché au fond d’un ravin, à 3 lieues du camp.

Voici, d’après Montagnac, alors chef de bataillon au 61e, le récit saisissant de ce dramatique épisode : « Le 3 mars, le colonel Barthélémy me fait appeler à six heures du matin : « Le refuge de Si-Zerdoud est connu ; vous allez l’enlever, me dit-il; combien voulez-vous d’hommes pour ce coup de main? — Donnez-moi, lui répondis-je, deux compagnies de grenadiers et deux de voltigeurs; avec cela et l’appui de la Providence, nous ferons de la besogne. » Le secrétaire de Si-Zerdoud se chargeait de nous conduire à l’endroit où se trouvait son maître et que lui seul connaissait. Me voilà donc guidé par cet ignoble brigand. Au bout de deux heures de marche, le traître me dit : « Il y a là, derrière cette montagne, un ravin très profond couvert de buissons, de broussailles impénétrables ; dans cette direction — qu’il m’indiquait du doigt — Est Si-Zerdoud. » D’après ces renseignemens, il ne me restait plus qu’à entourer mon homme, comme un renard, par un cercle de soldats qui irait toujours en se resserrant vers le point où il était réfugié. »

Le mouvement fut d’abord mal exécuté. « Quoique le coup me parût à peu près manqué, continue Montagnac, je fis prendre le pas de course aux grenadiers, en leur ordonnant de couper le ravin à deux cents pas de là; il était temps. Au moment où les premiers grenadiers arrivèrent, ils aperçurent quelque chose qui se glissait dans le ravin, sous les broussailles; c’était Si-Zerdoud. Il fut fusillé; sa femme et quatre enfans furent pris à hauteur de l’endroit où j’avais fait rebrousser chemin aux grenadiers. Si-Zerdoud avait assassiné M. Alleaume, sous-lieutenant de spahis, que le général La Fontaine avait envoyé de Bône, avec vingt-cinq cavaliers, dans le pays que nous venons de parcourir, pour percevoir l’impôt. Si-Zerdoud lui prit ses pistolets, son fusil à deux coups, son cheval, et tout ce qu’il avait Lorsqu’il fut tué, il tenait à la main les pistolets de l’officier ; le fusil à deux coups a été trouvé dans l’endroit où il s’était caché.

« La mort de cet homme influent frappa de stupeur tous les spahis qui étaient là, à ce point que je ne pus en trouver un de bonne volonté pour prêter son cheval, quand il s’agit de le transporter du fond du ravin, où il avait été tué, jusque sur le haut du versant, où je voulais lui faire couper la tête, en présence de tout le bataillon et des spahis réunis. Je dus jeter par terre un d’eux et