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qui avait son traité avec l’Autriche et l’Allemagne ; un autre jour c’était la Hollande qui s’était enchaînée ou la Belgique qui avait livré sa neutralité; tout récemment c’était l’Espagne qui à son tour avait cru nécessaire d’entrer dans la grande confédération, de se lier par un traité secret, — qui naturellement a été divulgué. Quant à l’Angleterre, elle serait d’avance, bien entendu, dans toutes les combinaisons; elle se serait engagée par correspondance, elle aurait promis ses flottes, — témoin l’apparition et les démonstrations récentes de l’amiral Hewett dans le port de Gênes. Et cette vaste coalition, elle serait nouée, organisée, un peu ou en partie contre la Russie peut-être, surtout contre la France, qui menace manifestement tout le monde, qui menace l’Espagne, qui menace la Hollande et même la Roumanie! Les ministres des divers pays se sont crus obligés de souffler sur ces rêves, de démentir l’existence de tous ces traités, et si le sous-secrétaire d’état anglais, sir J. Fergusson, obstinément interpellé par M. Labouchère dans la chambre des communes, a paru mettre quelque réticence ou quelque réserve dans son langage, il n’en résulte certainement pas que l’Angleterre soit engagée, qu’elle s’associe surtout à une politique d’hostilité contre la France.

Au fond, à y regarder de près, il n’est point douteux que la plupart de ces alliances sont imaginées à plaisir, qu’elles n’ont pas pu exister, parce qu’elles ne répondent à rien de sérieux, et que celles-là mêmes qui sont une réalité avérée pourraient bien ne pas résister à la première épreuve, au premier choc des événemens. L’Autriche, pour sa part, n’en est peut-être pas à s’apercevoir que cette alliance, si bruyamment divulguée il y a quelques semaines, n’est pour elle qu’une douteuse garantie, et elle a pu récemment apprendre que, si elle est liée à l’égard de l’Allemagne, l’Allemagne ne se croit pas obligée de la soutenir dans les affaires qui la touchent de plus près. L’alliance intime avec Berlin peut être populaire parmi les Allemands et les Hongrois; elle l’est infiniment moins parmi les autres populations de l’empire, et lorsqu’un député a voulu dernièrement proposer au Reichsrath de transformer en loi de l’empire le traité de 1879, il a soulevé les plus vives protestations; on lui a répondu avec véhémence que le traité ne serait jamais sanctionné tant qu’il y aurait une Autriche indépendante, tant qu’il y aurait un parlement autrichien ! C’est du moins le signe des sentimens qui animent les populations d’une partie de l’empire et qui doivent donnera réfléchir au gouvernement. — L’Italie, à son tour, si l’occasion se présentait, ne tarderait pas à sentir le poids d’une alliance sans motif et sans profit. Par qui est-elle menacée? A quelle agression a-t-elle à répondre? Quel intérêt a-t-elle à se faire la vassale de l’Allemagne ou à soutenir l’Autriche en Orient? Que M. de Bismarck mette son orgueil ou trouve son intérêt à enchaîner le plus d’états qu’il pourra à sa politique, à s’entourer de camps avancés,