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savoir, parce que cela donne lieu de supposer qu’il y en a, comme l’on dit, une famille, à laquelle Montesquieu n’eut point de part. C’est la même question qui revient : la question des impressions, suppositions et contrefaçons de Hollande. Si jamais quelqu’un y faisait la lumière, il aurait bien mérité de l’histoire de la littérature. Pourquoi encore la description que M. Le Petit nous donne de l’édition qu’il lui plaît de considérer comme l’originale, — car il n’a point expliqué ses raisons, — n’est-elle pas conforme à la description que j’en trouve dans le Catalogue de la vente Rochebilière ? Qui a tort ? qui a raison ? le catalogue Rochebilière, ou le livre de M. Le Petit ? Car ce n’est pas la peine d’être le second pour m’en apprendre un peu moins que le premier.

Enfin, dans une Bibliographie des Éditions originales de nos grands écrivains, je ne doute pas que l’on ne soit aise, et je le suis autant que personne, de trouver la description de l’édition originale de Vairvert, ou du Voyage autour de ma chambre. Mais à côté des noms de Gresset et de Xavier de Maistre, je voudrais bien avoir lu ceux de Diderot ou de Buffon, le fac-simile du titre de l’Histoire naturelle ou celui du titre du premier volume de l’Encyclopédie. Malheureusement, on ne lit plus l’Encyclopédie, dont les vingt-sept in-folio, non compris les tables et le supplément, ne servent plus guère, comme les in-quarto de l’histoire naturelle, qu’à former des bas de bibliothèques. « Vous achèterez l’Encyclopédie, écrivait lord Chesterfield à son fils, et vous vous assoirez dessus pour lire Candide. » Était-ce bien Candide ? mais il suffit que ce fût quelque chose de plus divertissant que les articles de Diderot et de d’Alembert. Ce n’est pas toutefois une raison, dans un ouvrage comme celui de M. Le Petit, d’oublier des noms aussi fameux que les Diderot et les Buffon. En vérité, je l’assure que Buffon vaut Destouches et que Diderot vaut Sedaine. Et c’est pourquoi je l’engage à les faire figurer l’un et l’autre dans la prochaine édition de son livre.

Il pourra rendre alors de vrais services, car, et nous avons essayé de le montrer par quelques exemples, il n’y a plus aujourd’hui de critique possible, ni d’histoire de la littérature, sans un peu de bibliographie. Or, en matière de bibliographie, les éditions originales, ce n’est pas seulement comme qui dirait les dessins des grands peintres, le premier état de leur pensée, « avant la lettre » en quelque sorte, avant l’épreuve et le jugement du public et de la critique, l’exemplaire qui garde encore la trace de la main de Corneille ou de Racine. Mais on n’est pas assuré du vrai texte d’un écrivain, et on ne l’a pas vu, si je puis dire, face à face, tant qu’à travers ses éditeurs on n’est pas remonté jusqu’à lui, c’est-à-dire jusqu’aux éditions originales. L’utilité, l’intérêt, l’importance de cette confrontation, on a pu d’ailleurs s’en apercevoir ou plutôt s’en douter sur ce que nous avons dit des premières éditions des Pensées de Pascal et de la dernière des Essais