l’édition de 1682, — la première édition des Œuvres complètes de Molière, — Et qui ne mérite guère plus de confiance que les « éditions originales » séparées. Molière a été décidément malheureux en éditeurs, et, sans rien vouloir exagérer, il est bon de savoir, puisqu’on l’a si souvent attaqué sur son style, que, parmi nos grands écrivains, il en est peu dont le texte, à y regarder de près, soit plus douteux ou moins assuré. Je ne sais là-dessus si Lagrange et Vinot, qui « procurèrent, » comme l’on disait, l’édition de 1682, s’y permirent les modifications dont on les a quelquefois accusés. Mais ce que l’on peut dire avec sécurité, c’est qu’il y a peu d’éditions plus laides, et qu’il n’y en a pas beaucoup de plus incorrectes. Quelle confiance voulez-vous que l’on accorde à une édition où, dans une seule page du Bourgeois gentilhomme, on trouve le nom de Jourdain orthographié de trois manières : Jourdain, Joordain et Jorrdain ? Lagrange était assurément le plus galant homme du monde, et même, si l’on veut, encore mieux que cela, mais ce n’était pas un bon correcteur d’épreuves, et c’en était même un piteux. En collationnant pour les décrire les huit volumes de l’édition de 1682, c’est de quoi je m’étonne que M. Le Petit ne se soit pas aperçu. Et, de même que des « éditions originales » de Molière, il faut bien qu’on se serve de l’édition de 1682, puisque aussi bien c’est la première qui contienne Dom Garcie de Navarre, Dom Juan, la Comtesse d’Escarbagnas, etc., mais il convient d’être averti, pourtant, afin de ne pas croire, comme quelques récens éditeurs, que l’on va faire merveilles en en reproduisant le texte.
Si Molière ne revoyait pas très diligemment ses épreuves, il semble qu’il en fût autrement de Bossuet. Les Errata tout seuls de ses éditions originales en feraient foi. Bossuet fait un Erratum pour une virgule, pour une lettre omise, pour remplacer Guère par Guères, ou Térèse par Thérèse. D’autres corrections intéressent davantage l’histoire de la grammaire et celle de la langue. C’est ainsi que, dans l’édition originale de l’Instruction sur les états d’oraison, on avait d’abord imprimé cette phrase : « Faites-moi oublier, Seigneur, les mauvais fruits des mauvaises racines que j’ai veuës autrefois germer dans le lieu saint ; » mais on fit tout exprès un Erratum pour, au lieu de veuës, qui est la leçon des éditions modernes, nous faire lire vëu, sans accord. On voit qu’il ne s’agit point ici de théologie, mais d’orthographe. Et ce qui paraît bien prouver que ces scrupules ne sont pas du correcteur ou du prote, comme on le pourrait croire, mais de Bossuet, c’est une lettre curieuse, datée de 1687 et adressée à Huet, où il lui demande une décision de l’Académie sur le point de savoir s’il faut écrire la Vie de Henry ou la Vie d’Henry. Comme Pascal, avec la faculté de concevoir les ensembles, Bossuet avait le goût et le souci du détail.
En fait d’éditions originales de Bossuet, M. Le Petit s’est contenté de décrire celles que tout le monde connaît, ou à peu près, la première édition