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page pour page, la mention en eût ici tout à fait avantageusement remplacé celle du Tombeau de Marguerite, par le prétendu comte d’Alsinois, ou celle encore des Diverses petites poésies du chevalier d’Accilly. Que viennent faire ces mauvais plaisans dans une Bibliographie des principales éditions originales ?

Une autre omission regrettable est celle de Maurice Scève et de sa Délie, qui ne sont, eux non plus, j’en conviens, guère connus l’un ni l’autre, qui le sont toutefois ou qui devraient l’être autant, sinon que Louise Labé, mais que Pernelle du Guillet et ses Rymes, dont M. Le Petit nous donne une courte description. C’est un curieux poète que ce Scève obscur et prétentieux d’ailleurs, à peu près illisible aujourd’hui, et que pour ce motif je m’étonne que nos symbolistes et nos décadens n’aient pas essayé de remettre un peu en honneur :


L’humidité, Hydraule de mes jeux,
Vide toujours par l’empire en l’oblique,
L’y attrayant, pour air des vides lieux.
Ces miens soupirs qu’à suivre elle s’applique.
Ainsi tous temps, descend, monte, réplique
Pour abreuver mes flammes apaisées.
Doncques me sont mes larmes si aisées
A tant pleurer que sans cesse distillent ?
Las du plus haut goutte à goutte elles filent
Tombant aux seins dont elles sont puisées.


Ni M. Paul Verlaine, ni M. Stéphane Mallarmé n’ont rien écrit de plus difficile à interpréter, sinon précisément à comprendre, car j’ai peur de les avoir quelquefois compris. Ils n’ont rien écrit non plus, si l’on voulait multiplier les citations, qui soit d’une mysticité plus sensuelle que certains dizains de Délie, objet de plus haute vertu. Mais si maintenant on ajoute que cette école lyonnaise, dont Maurice Scève a été le principal représentant, semble bien avoir préparé les voies à la Pléiade, ce sera sans doute une raison pour M. Le Petit de faire un jour une petite place à notre client dans sa Bibliographie.

Une fort bonne règle, que M. Le Petit a généralement observée, c’est d’entendre sous le nom d’Éditions originales la première et la dernière que chaque écrivain adonnée lui-même de ses œuvres. Pourquoi donc a-t-il fait exception pour Ronsard ; et, au lieu de l’édition de 1584, pourquoi est-ce l’édition de 1567 qu’il a cru devoir décrire, celle qui ne contient ni la Franciade, ni surtout les Sonnets pour Hélène ? C’est sans doute que, coûtant plus cher, elle est plus recherchée des amateurs, lesquels se soucient des Sonnets pour Hélène autant que de la Franciade, c’est-à-dire point du tout, et se passeraient plutôt de Ronsard que d’être obligés de le lire. Le vrai texte, et conséquemment