la classification, on n’obtient des anciens arbres que des fragmens détachés, le plus ordinairement des feuilles, plus rarement des fruits ou des graines, isolément recueillis. On arrive, malgré tout, à déterminer ces restes, et, par la comparaison que l’on en fait avec leurs analogues vivans, à formuler des conclusions dont la probabilité est telle qu’elle entraîne la conviction. C’est ainsi qu’en s’aidant des données fournies par la stratigraphie, on peut non-seulement reconstituer les forêts d’autrefois, mais encore les échelonner chronologiquement, saisir leurs rapports mutuels, établir leur filiation et finalement expliquer comment elles se sont jadis déplacées et renouvelées.
Il faut tenir compte, en effet, de cette particularité qu’au lieu d’être libres de leurs mouvemens, à la façon des vertébrés aériens, les arbres sont enracinés, c’est-à-dire fixés au sol, en sorte que leurs graines seules les quittent et peuvent être emportées, mais jamais très loin. Cette fixité est assurément une des causes de la régularité et de la lenteur relatives avec lesquelles la végétation arborescente s’est modifiée dans les périodes antérieures à la nôtre. Les nouveau-venus de chaque région n’ont jamais dû franchir rapidement l’espace. C’est plutôt de proche en proche, et à l’aide d’introductions d’abord partielles, que la flore de toutes les époques a dii se transformer. Au lieu de soubresauts, on entrevoit des modifications favorisées par le temps, et qui mirent à s’accomplir une durée fort longue avant d’être définitives. Il suffit donc d’examiner attentivement les empreintes végétales recueillies sur plusieurs niveaux successifs et en même temps sur des points distribués le long du parcours, suivi autrefois par la végétation et jalonnant sa marche, pour retrouver les termes partiels de la filiation présumée des types dont nous recherchons l’origine.
Un phénomène s’est rencontré en concordance intime avec ce déplacement graduel et successif des végétaux ; nous voulons parler du refroidissement du globe, insensiblement opéré, mais soumis à une impulsion générale dont les progrès, bien qu’effectués avec une extrême lenteur, ne se sont pourtant jamais arrêtés. C’est sous l’empire de ce phénomène que les végétaux ont poursuivi leur déplacement, s’étendant vers le sud et abandonnant peu à peu le nord, à commencer par l’extrême nord, c’est-à-dire par les alentours immédiats du pôle. Il a suffi par cela même de la découverte de nombreux fossiles végétaux sur différens points des régions arctiques, au Spitzberg, au Groenland, sur la terre de Grinnell et ailleurs, pour faire surgir des termes de comparaison et démontrer ce qu’était la végétation forestière polaire, alors que celle de l’Europe ressemblait plus ou moins