Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 86.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des réactions de notre conscience ; la simplification constante des principes d’explication est la fin instinctivement poursuivie et de mieux en mieux réalisée par la pensée. C’est ce que Hamilton entendait par la loi d’économie, Leibniz par la loi de la moindre action. La métaphysique qui obéit le mieux à cette loi est celle qui a le plus de chances de suivre la nature même, de penser comme la nature agit.

Outre la valeur tout intrinsèque que peut avoir un système quand il offre le plus grand ordre possible dans ses élémens, il peut encore, selon nous, acquérir une valeur nouvelle par son rapport avec les systèmes adverses. Il sera d’autant plus probable, à nos yeux, qu’il sera moins exclusif et plus compréhensif, par conséquent plus capable d’embrasser dans une synthèse supérieure les élémens positifs des divers systèmes. Une doctrine qui concilie les autres au lieu de les détruire augmente sa propre valeur de la valeur même des autres. Si un système nouveau, en même temps qu’il offre un caractère original, apparaît comme le complément des systèmes antérieurs, si même on peut montrer que les autres systèmes y aspirent et en ont besoin pour se soutenir, il sera possible d’établir une hiérarchie entre les doctrines : leur probabilité croîtra avec leur largeur même. C’est ce que nous avons appelé la méthode de conciliation. On a faussement interprété cette méthode comme une substitution de l’histoire à la théorie. Certes, l’étude des grands systèmes historiques a une valeur particulière en métaphysique, non qu’il importe de connaître l’histoire pour l’histoire même, mais parce que les grandes doctrines philosophiques sont des représentations différentes de l’univers dans des cerveaux différens ; or, quand il s’agit de l’universel, il est difficile de ne pas tenir compte des diverses projections de la réalité dans les têtes humaines, depuis les Platon et les Aristote jusqu’aux Spinoza et aux Kant. Celui qui poursuit l’universel ne saurait être trop compréhensif. L’éclectisme, lui, supposait que la vérité est déjà tout entière dans les doctrines des philosophes antérieurs, d’où il n’y aurait plus qu’à l’extraire par un heureux « choix. » La méthode de conciliation, au contraire, est essentiellement théorique et spéculative. Les doctrines des philosophes antérieurs ne lui servent que comme moyens de déterminer, par des exemples probans, les divers systèmes théoriquement possibles et typiques, les diverses hypothèses concevables en métaphysique, dont chacune doit contenir des élémens précieux de solution. Aussi cette méthode n’exclut-elle nullement la nécessité de synthèses nouvelles et originales ; elle appelle, au contraire, de nouvelles idées, soit comme moyens termes et anneaux de liaison, soit comme termes supérieurs et centres de convergence. Pour faire une vraie synthèse, il faut ajouter ; pour concilier, il faut inventer. La méthode de conciliation est analogue à l’effort du