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et ce qu’il existe de plus confidentiel aujourd’hui : le chiffre diplomatique, est exclusivement manié par des employés maigrement salariés et dénués de tout avenir. De même les courriers-facteurs, qui portent les dépêches ministérielles à l’étranger, touchent 1,800, 1,700 et 1,400 francs. Ne voit-on pas les magistrats, qui n’ont point de bureaux, se faire suppléer pour l’examen d’affaires très délicates par des secrétaires qui ne dépendent que d’eux-mêmes? Dans les ministères, ce ne sont pas, comme on sait, les bureaux, mais bien le cabinet, c’est-à-dire des attachés à la personne même du ministre, qui traitent les matières oh la discrétion est supposée de rigueur. Je pense que la mise en vigueur de ce système permettrait de réduire immédiatement le budget des administrations centrales d’un bon tiers, — de 30 à 20 millions, — Et leur personnel de moitié, de 5,000 à 2,500 individus. Uniquement occupés d’expédier les affaires, et non de se donner de l’importance, en cherchant dans le dossier la pièce qui manque (or il en manque toujours), et en présentant à la signature du chef hiérarchique le plus grand nombre de lettres possible, le personnel conservé serait mieux payé et besognerait davantage. La richesse sociale gagnerait à cette concentration, non-seulement l’économie réalisée dans le budget de l’état, mais aussi le surcroît de travail disponible jeté sur le marché en la personne des fonctionnaires inutiles. La France y gagnerait une certaine dose de décentralisation. On ne ferait plus venir à Paris que les grosses affaires et les affaires contentieuses ; les petites se résoudraient en province, au chef-lieu du département, de l’académie, de la cour d’appel, du corps d’armée. Les pouvoirs locaux ne se trouveraient par là nullement surchargés, attendu qu’il n’est pas plus malaisé de trancher une question par un arrêté de quelques lignes, à Lille ou à Toulouse, que de faire une lettre de quatre pages, pour mettre au courant de la question les bureaux de Paris qui doivent la trancher.

La réforme des administrateurs, qui est bien nécessaire, aurait ainsi pour conséquence la réforme des administrations, qui l’est peut-être encore davantage.


GEORGE D’AVENEL