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dans les écoles publiques, il augmentait de 10 pour 100 dans les écoles libres, c’est-à-dire dans les écoles religieuses, contre lesquelles était dirigée la loi nouvelle.

Pour l’instruction secondaire et supérieure, qui n’est ni un droit ni un devoir, il semble que l’on eût dû simplement obéir à la loi économique de l’offre et de la demande. Si les lycées regorgeaient, si les amphithéâtres de facultés craquaient sous le poids des auditeurs, il était juste de multiplier les professeurs et d’agrandir les locaux. Il suffisait, au contraire, de maintenir le statu quo, s’il satisfaisait les besoins scientifiques des classes bourgeoises. Mais on a dit dans les assemblées : il faut régénérer l’instruction secondaire ; créons des chaires, ouvrons des collèges pour garçons et aussi pour filles. Jamais les bâtimens ne seront trop vastes ni trop beaux ; jamais il n’y aura trop de professeurs : au lycée féminin de Sèvres, il y a un professeur de morale et un professeur d’histoire de la morale. Je ne parle pas des actes de largesse accomplis par tel ou tel ministre, des dons de joyeux avènement de Paul Bert, par exemple : cumuls de traitemens autorisés, avancemens irréguliers ; un membre de l’Université obtint 6,000 fr. pour frais de route de Douai à Paris, un autre 3,000 pour venir de Niort, un troisième autant comme indemnité de déplacement de la rue de Grenelle à un lycée de Paris. Le chiffre et les salaires des fonctionnaires enseignans ont grandi depuis vingt à trente ans, mais principalement depuis dix ans, sans proportion avec l’enseignement lui-même. Les inspecteurs d’académie étaient au nombre de 61 en 1850, et touchaient de 3,000 à 4,000 francs; ils sont maintenant 101 et touchent de 6,000 à 8,500. Au lieu de 220 inspecteurs primaires, recevant de 1,200 à 2,000 francs, il y en a aujourd’hui i67, touchant de 2,800 à 5,500 francs; de 6,000 francs les recteurs sont montés à 13,000, 15,000 et 18,800 francs. Quiconque, en un mot, émarge au budget de l’instruction, a vu son traitement croître du double ou du triple. Les membres de l’Institut sont les seuls dont l’ancienne indemnité de 1,200 francs, — égale au traitement moyen de l’instituteur primaire actuel, — soit restée stationnaire ; mais ce n’a pas été sans peine que les académies ont résisté aux offres pressantes et lucratives des divers régimes.

Il ne suffisait pas de remplir les chaires, il fallait peupler les bancs ; à cette fin ont été concédés, dans les lycées des deux sexes, des bourses, demi-bourses, trousseaux, etc., avec une exagération tout à fait injuste. Car, si l’instruction primaire est une utilité, l’instruction secondaire est un luxe; et la société ne doit le luxe gratis à personne, ou elle le doit à tout le monde. Accordées