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qu’il plaît à un ministre, tout peut être ou n’être pas inspecté. Il est aussi facile, il l’est même davantage, d’imaginer de nouvelles inspections que de supprimer les anciennes. « La première préoccupation d’un ministre qui a supprimé un emploi n’est-elle pas toujours de le rétablir? » disait récemment M. Jules Simon. Inspection générale des maîtrises de France, inspection générale des bibliothèques populaires, sont des postes qui ont été créés depuis quinze ans pour de vieux amis ou de jeunes protégés, et qui ont disparu avec leurs titulaires. Il n’y avait rien de sérieux dans ces offices, rien si ce n’est le traitement, qui, le plus souvent, fut assez gras. Cette surérogation de surveillance facultative, qui fait penser à ce personnage d’opérette se réveillant un matin « inspecteur du gaz dans une riche famille brésilienne, » est un des côtés inquiétans de ce que M. Leroy-Beaulieu nomme avec raison « le parasitisme administratif, chiendent redoutable qui envahit de plus en plus la société française. » Le premier venu, qui serait peut-être incapable de faire quelque chose, se sent de particulières aptitudes pour inspecter n’importe quoi, fût-ce les en (ans assistés, dont le personnel se trouva un jour renouvelé, par mesure politique, pour caser des résidus de candidats sans spécialité déterminée. Si pour une charge ordinaire il y a dix postulans, pour une place d’inspecteur, il n’y en a pas moins de cinquante.

Les emplois publics rapportant à leurs titulaires 150 millions de plus qu’il y a quinze ans et 250 millions de plus qu’il y a trente-cinq ans, il faut que leur effectif ait formidablement grossi. En 1847, le ministère des affaires étrangères avait, sous M. Guizot, 33 secrétaires d’ambassade et de légation ; il en a aujourd’hui, sous M. Flourens, 74. L’Europe n’a pourtant pas grandi depuis lors; au contraire, la disparition des petites cours d’Allemagne et d’Italie a permis de supprimer un grand nombre de résidences. Comment se fait-il que le personnel diplomatique de 1888 soit beaucoup plus nombreux que celui même de 1869? En Espagne, en Russie, en Autriche, en Angleterre, nous avions en 1869 trois secrétaires ; nous en avons quatre maintenant, plus un conseiller (grade nouvellement créé, avec 18,000 francs d’appointemens). Dans toutes les autres légations, nous avons un ou deux secrétaires de plus. Le traitement des agens, leurs frais d’établissement et de voyage dépassent aujourd’hui de 4 millions le chiffre d’il y a douze ans. Tandis que l’Allemagne entretient à Paris trois secrétaires, la France entretient à Berlin quatre secrétaires et un conseiller. Ces détails peignent toute une tendance au gaspillage. Les traitemens de non-activité de 30,000 francs sont montés à 100,000; les attachés, qui servaient gratis, et dont on ne manquait pas à ce prix, sont aujourd’hui payés en partie, en attendant qu’ils le soient tous.