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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La liquidation de fin janvier sur nos fonds publics a été marquée par l’apparition du déport. Les craintes de guerre avaient provoqué, le mois dernier, des ventes à découvert. Les grosses positions à la hausse ayant été reportées hors Bourse, les vendeurs ont dû subir des conditions onéreuses; un certain nombre se sont décidés à racheter, et le cours de compensation sur le 3 pour 100 a pu être ainsi fixé à 81.65. Mais les opérations de liquidation étaient à peine terminées que les places du continent furent mises en émoi par le coup de théâtre de la publication du traité d’alliance défensive conclu, en 1879, entre l’Allemagne et l’Autriche.

On crut tout d’abord que cette publication était un avertissement, et même quelque chose de plus, un ultimatum, à l’adresse de la Russie. Elle était du moins interprétée ainsi sur les marchés allemands, où le mouvement de baisse sur les valeurs internationales fut très brusque. Les fonds russes et hongrois fléchirent de plus d’une unité, le cours du rouble descendit jusqu’à 173, alors qu’il n’avait pas été refoulé au-dessous de 180 à l’époque de la guerre russo-turque. Chez nous, la rente fut ramenée de 81.75 à 81.05, l’Italien de 93.75 à 92.50. Le Crédit foncier, le Suez, la Banque de Paris perdirent en même temps les prix où ils s’étaient maintenus en liquidation.

Mais cette alerte a été de courte durée, et le discours prononcé le lundi suivant, 6 courant, par M. de Bismarck, au Reichstag allemand, à propos de la loi militaire, a rassuré les Bourses européennes sur le sens de la publication faite simultanément à Vienne et à Berlin le vendredi précédent. Le chancelier allemand déclarait que la divulgation du traité n’avait aucune portée agressive, que son unique objet était de prouver au monde le caractère strictement défensif de l’alliance austro-germanique. En même temps, il attestait les sentimens pacifiques dont était animé le gouvernement français, et exprimait la conviction que la Russie ne songeait nullement à attaquer l’Allemagne et l’Autriche.

Nous n’avons pas ici, naturellement, à analyser le discours du chancelier, mais seulement à marquer l’impression produite sur les marches financiers. D’abord indécise, cette impression est devenue peu à peu optimiste, surtout après les commentaires de la presse russe et les assurances nouvelles données par le marquis de Salisbury, dans