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longation du traité de commerce entre l’empire austro-hongrois et l’Allemagne. Ce n’est pas sans peine que le traité a fini par être voté, et par une anomalie singulière, dans cette discussion où l’alliance politique de 1879 a été l’objet d’ardentes attaques, le ministère du comte Taaffe, abandonné par une grande partie de sa majorité, ne s’est sauvé qu’avec l’appui de la gauche, de l’opposition allemande. — Le traité de commerce qui se négociait d’un autre côté entre la France et l’Italie n’a pas eu l’occasion d’être aussi passionnément discuté ; mais il n’a pas eu une heureuse fortune jusqu’ici. Le fait est que la négociation s’est arrêtée dès les premiers pas, qu’elle a été sinon rompue, au moins indéfiniment ajournée. Ce n’est point, certes, que la France y ait mis de la mauvaise volonté ; elle a montré, au contraire, l’esprit le plus modéré et le plus conciliant. À la rigueur, elle aurait pu se borner à attendre. C’était l’Italie qui avait dénoncé le traité de 1881, c’était au gouvernement italien de faire ses propositions s’il le voulait. Il n’y a songé qu’assez tard, à la fin de l’année, à la veille de l’expiration du traité ; il a envoyé des négociateurs officieux qui n’avaient pas de pouvoirs suffisans. Il en est résulté la nécessité d’une prorogation que l’Italie elle-même a limitée à deux mois. La France a cru devoir a’ors envoyer des plénipotentiaires à Rome, et, au premier moment, à entendre M. le président du conseil Crispi, on aurait dit que l’œuvre de conciliation et de paix allait s’accomplir. Il n’en a rien été. Les plénipotentaires français n’ont pas tardé à se trouver en présence de prétentions démesurées ou de toute sorte de procédés évasifs. Ils sont revenus de Rome comme ils y étaient allés.

C’était facile à prévoir. Les chefs politiques italiens sont dans une voie où ils se croient autorisés à enfler leurs prétentions, et où les relations commerciales avec la France paient les frais de leurs grandes fréquentations dans le monde. C’est leur affaire. Pour le gouvernement français, il n’y a plus évidemment d’autre politique que de se renfermer dans la plus complète réserve. Ce qu’il a de mieux à faire, c’est de se tenir tranquille, d’attendre, en s’aimant bien entendu des moyens nécessaires pour proportionner nos tarifs aux tarifs de nos voisins des Alpes. La France a certainement intérêt à éviter tout ce qui ressemblerait à une guerre de tarifs ; les Italiens sont sûrement encore plus intéressés à détourner cette extrémité et pour leur commerce et pour leur crédit, qui pourrait s’en ressentir dangereusement. Le gouvernement français a fait ce qu’il pouvait et ce qu’il devait, il n’a plus rien à dire. C’est maintenant au cabinet italien de réfléchir. S’il a des propositions sérieuses à faire, il sera sans doute écouté ; s’il n’a rien à proposer, les choses suivront leurs cours, on n’en sera pas plus ému. On attendra sans se laisser entraîner à de vaines complications, et dans les affaires qui touchent aux intérêts