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cher- dans la revision des impôts, dans les réformes ou ce qu’elle appelle les réformes plus encore que dans les économies, le remède à la situation financière, — et ici quelles sont ses idées, ses propositions ? Elle veut d’un seul coup remanier l’impôt sur les boissons et les droits sur les héritages. Ce sont ses deux grands projets, ils ont été si vivement, si sérieusement discutés et par M. le président du conseil, et par M. Amagat, et par M. Jules Roche, qu’en vérité il n’en est plus rien resté. Le fait est que le système de la commission sur les boissons ne peut profiter ni au trésor ni aux contribuables, et qu’il remplace une recette assurée, plus que jamais nécessaire à l’état, par une ressource évaluée à l’aventure, qui sera ce qu’elle pourra. Il laissera un déficit de plus dans le budget, c’est plus que vraisemblable ; mais, quel que soit le résultat, la pensée secrète est de substituer un impôt direct aux impôts indirects, — et c’est Jà qu’est la réforme, qui n’est après tout qu’une vieillerie ! Qu’en est-il aussi de cette autre nouveauté de la revision du droit sur les héritages ? Il n’est point douteux que la commission s’est livrée à son imagination, qu’elle n’a pu évaluer qu’arbitrairement les résultats financiers de ses propositions, qu’elle met une fois de plus le hasard dans le budget ; mais elle s’est donné satisfaction : elle a introduit dans les combinaisons qu’elle demande à la chambre de sanctionner le principe de l’impôt progressif. Elle fait si bien qu’elle arrive avec ses progressions presque jusqu’à la confiscation, jusqu’à la suppression de l’héritage lui-même !

Ainsi, proposer des économies qui, par des réductions subreptices de la dotation des cultes, tendent à l’annulation du concordat, glisser l’impôt direct à propos des boissons et l’impôt progressif à propos des successions, reprendre toutes ces vieilles choses qui ont traîné dans toutes les révolutions, on l’a dit justement, c’est ce qu’on appelle accomplir des réformes dans l’intérêt du peuple ! Et c’est pour cela que la France n’a pas encore un budget au moment où elle aurait besoin d’avoir ses ressources assurées ! On parle toujours de réformes : la vraie réforme, ce serait de rentrer dans l’ordre et la vérité, de raffermir les principes et les conditions de gouvernement, de rendre la confiance et l’autorité aux services publics affaiblis et impuissans faute de garanties et de protection. La vraie réforme, ce serait de remettre la vigilance dans les administrations, de prévenir des abus comme ceux qui ont été révélés l’autre jour à propos du budget de la marine, qui exposent le pays à s’apercevoir tout à coi]p qu’il n’a pas les forces navales sur lesquelles il croyait pouvoir compter. Ce serait là sûrement la vraie réforme, la plus utile et la plus pressante.

Le malheur est qu’aujourd’hui plus que jamais tout est confondu, qu’il n’y a rien de clair et de lixe ni dans les idées ni dans la pratique